Les statistiques des navigateurs de juillet 2014

J’ai toujours été fasciné par les statistiques globales de parts de marché ou d’utilisation des navigateurs, même si c’est toujours à prendre avec de grosses pincettes. En 2011, je suivais attentivement l’adoption d’IE9 et de Firefox 4. Je m’interrogeais même sur l’avenir que pourrait avoir le marché des navigateurs, en me disant que ce serait chouette d’arriver à un marché sain avec trois concurrents à parts égales.

Ce doux rêve ne dura pas longtemps. L’année dernière, je constatais le passage de la domination d’IE à la domination de Chrome. Ce constat m’a été rappelé cette semaine sur Reddit avec cette carte des navigateurs les plus utilisés par pays (d’après les données de StatCounter).

La carte mondiale des navigateurs les plus utilisés par pays

Ça en devient presque effrayant. Si on compare avec la même carte un an plus tôt, Chrome a réussi à devenir le principal dans de nombreux pays, ne laissant plus qu’à IE que le Japon et la Corée. Firefox s’est aussi bien fait devancer un peu partout dans le monde, et surtout en Afrique, par Opera. L’explosion du web mobile en Afrique que j’évoquais à la sortie de Firefox OS se fait sentir.

Si on regarde le chemin parcouru depuis juillet 2011 (d’après StatCounter), le constat n’en est que plus effrayant. Les statistiques des navigateurs, de juillet 2011 à juillet 2014

En trois ans, en seulement trois petites années, on est passé d’une utilisation de Firefox de 28 % à seulement 17 %. En trois ans, on est passé d’une utilisation d’Internet Explorer de 42 % à 21 %. Et en trois ans, on est passé d’un Chrome à 22 % à 45 %.

Ce qui m’inquiète, c’est que sans bouleversement majeur du marché de l’informatique personnelle, la dégringolade d’IE et Firefox au profit de Chrome ne risque que de s’accentuer. En trois ans, on est passé d’un marché où Windows représentait 85 % des OS utilisés sur le web, à seulement 55 %, suivi par une forte croissance d’Android et d’iOS représentant à eux deux 28 % des OS utilisés sur le web. L’insignifiance de Firefox et Internet Explorer sur le marché mobile ne va certainement pas arranger ça.

En étant pessimiste, dans trois ans, Chrome sera peut-être utilisé par au moins 75 % des internautes. En étant optimiste, dans trois ans, Internet Explorer et Firefox seront peut-être encore là pour voir ça.

D’un leader à un autre

Il y a dix jours, je suis tombé via Twitter sur la carte des navigateurs Internet sur le site de L’Express. Ça m’a paru étrange, car les statistiques présentées ne ressemblent pas du tout à ce que j’avais en tête pour ces derniers mois. L’Express attribue la carte au site BoredPanda, qui lui-même attribue la carte à un utilisateur de DeviantArt, qui lui-même attribue la carte aux données de StatCounter, datées de 2012.

Les statistiques des navigateurs sont en général à prendre avec de très grosses pincettes, en particulier lorsqu’elles viennent de StatCounter. Néanmoins, elles permettent quand même d’entrevoir certaines tendances mondiales sur le marché des navigateurs. L’année dernière, StatCounter avait publié une vidéo présentant l’évolution du marché des navigateurs par pays de 2008 à 2012. J’adore ce genre de visualisation. En regardant de plus près l’évolution des statistiques par pays depuis la publication de cette vidéo, je me suis rendu compte d’un changement assez impressionnant qui s’est produit au cours de l’année passée. J’ai donc pris des captures d’écran des cartes de StatCounter des soixante derniers mois, et voici le résultat.

D'Internet Explorer à Chrome

En cinq ans, on est passé d’une planète toute bleue (sous Internet Explorer) à une planète toute verte (sous Chrome). Ça fait déjà un moment que StatCounter annonce que Chrome est le navigateur le plus utilisé au monde (déjà en 2011, puis à nouveau en 2012). Les données globales de NetMarketShare sont loin de corroborer cette information. Pourtant, j’ai de mon côté bien constaté une prise de première position flagrante par Chrome ces derniers mois sur des sites de clients.

Après IE8

La semaine dernière, Raphaël Goetter implorait sur son blog la mort d’IE8 :

Nous sommes en juillet 2013 et Internet Explorer 11 va sortir dans quelques jours, plein de promesses.

En attendant, son arrière-grand-père IE8 continue à être très prisé dans certains milieux (et je ne parle même pas de IE6 !).

Juste pour vous faire baver un peu, voici une petite liste non exhaustive des fonctionnalités (propriétés, valeurs et fonctions) CSS3 que l’on pourra employer à tour de bras dès que IE8 ne figurera plus dans nos cahiers des charges.

Je suis tout à fait d’accord dans l’idée de voir décéder IE8. Par contre, de mon point de vue, je ne souhaite pas nécessairement voir IE8 mourir pour pouvoir utiliser de nouvelles propriétés. Avec un principe de dégradation gracieuse, on peut déjà utiliser depuis un bon moment en production des media queries, box-shadow, transforms, border-radius, opacity, et j’en passe.

J’aime bien la philosophie de Kévin Rocher sur le support des anciennes versions d’IE (lue sur le blog de son stagiaire) : « fuck ie6, ie7 vaguement navigable, ie8 navigable. ie9 propre. » À moins de ne chercher à faire du pixel perfect, IE8 n’est plus vraiment un problème.

Pour moi, la disparition d’IE8 serait une bonne chose car IE8 est le dernier survivant d’une espèce de navigateurs en voie de disparition : les navigateurs liés au système rarement mis à jour et avec une adoption très très lente. D’un côté, il y a les navigateurs non liés au système, comme Chrome et Firefox, qui eux seront mis à jour toutes les six semaines. Et de l’autre côté, il y a les navigateurs liés au système comme Internet Explorer et Safari, mais qui dans le premier cas a droit à des mises à jour automatique, et dans le second profite de l’adoption très rapide des dernières versions de l’OS.

Si on reprend les chiffres douteux de StatCounter, ça signifie qu’aujourd’hui, 80% des navigateurs utilisés en France ont moins d’un an. Ça a de quoi donner foi au futur du web et du métier d’intégrateur.

« Pour mettre ça en perspective »

La semaine dernière, Adobe a sorti la version 11.4 de Flash Player. Dans un communiqué intitulé « Flash Player et AIR ouvrent la voie à de nouveaux jeux« , j’ai eu un léger rictus devant le paragraphe suivant :

Nous avons posé les bases cette année pour augmenter la vitesse à laquelle les mises à jour du Flash Player sont adoptées. Flash Player 11.2 a introduit les mises à jour en arrière-plan, et plus de 400 millions de personnes ont opté pour l’utiliser. Cela signifie qu’avec n’importe quelle nouvelle version du plugin, 400 millions d’utilisateurs peuvent être mis à jour vers la dernière version du Flash Player en environ 48 heures. Pour mettre ça en perspective, 400 millions c’est a peu près six fois le nombre de Xbox 360 vendues depuis 2005. Les développeurs de jeux peuvent désormais rapidement adopter de nouvelles fonctionnalités en sachant qu’il y a un public énorme qui les attend.

Pour mettre ça en perspective, Apple a vendu plus de 374 millions d’appareils sous iOS depuis 2007 (avec 244 millions d’iPhone84 millions d’iPad et 46 millions d’iPod Touch rien qu’aux Etats-Unis). En élargissant les ventes d’iPod Touch au reste du monde, on ne devrait pas être loin de 400 millions d’appareils sous iOS vendus depuis 2007.

Ce sont 400 millions d’appareils qui n’ont jamais vu et ne verront jamais la moindre trace de Flash Player.

Et ça, ce n’est que pour iOS. Vous pouvez ajouter à ça pas loin de 400 millions d’appareils sous Android, avec 1 million de nouvel appareil activé chaque jour, qui n’ont officiellement plus la possibilité d’installer Flash Player depuis le 15 août.

Vous pouvez aussi ajouter à ça la totalité du marché des consoles de jeux vidéo de cette génération (dont bientôt la Xbox 360 avec Internet Explorer), soit un peu plus de 250 millions d’appareils qui peuvent accéder au web, mais sans Flash Player. Et ce, bien avant que Steve Jobs n’exprime le fond de sa pensée.

Et à partir d’octobre, vous pourrez ajouter des millions de Windows 8 qui ne supporteront Flash Player que sur quelques sites pré-sélectionnés dans son interface « Windows 8 » (anciennement Metro).

Pendant des années, Adobe annonçait fièrement que Flash avait un taux de pénétration de 99%. Déjà en 2009, Sam Johnston soupçonnait que la réalité était plus proche des 50%. Aujourd’hui, Adobe ne parle plus en pourcentage mais en nombre d’appareils. Parce qu’en réalité, le support de Flash est déjà bien en deçà de 50% des appareils connectés au web. Et ce chiffre ne va faire que diminuer.

A l’opposé, les navigateurs modernes (excluant IE6-7-8) représentent aujourd’hui entre 65% (d’après NetMarketShare) et 74% (d’après StatCounter) du marché des navigateurs. Et ce chiffre ne va faire qu’augmenter.

Je sais que ça sonne encore comme un article biaisé qui annonce la mort de Flash sur le web. Mais vraiment, si ce n’est pas encore fait, c’est votre dernière chance pour faire vos adieux.

La publicité pour Internet Explorer 9

Si vous avez regardé la télévision française ou si vous êtes allé au cinéma ces dernières semaines, vous n’avez sans doute pas pu échapper à la publicité suivante.

http://www.youtube.com/watch?v=7Yf7_EJpaEs

Après avoir vu cette publicité la première fois, vous vous êtes peut-être posé la même question que moi : pourquoi ? Pourquoi est-ce que Microsoft fait de la publicité pour IE9, seize mois après sa sortie ? Pourquoi est-ce que Microsoft fait de la publicité pour IE9, trois mois avant la sortie de Windows 8 et d’IE10 ? Pourquoi est-ce que Microsoft dépense des fortunes en budget publicitaire après un premier trimestre déficitaire historique ?

Je n’ai malheureusement pas les réponses à ces questions. Mais je ne peux qu’émettre une hypothèse : Microsoft est en train de perdre le marché des navigateurs, et ils en sont parfaitement conscients.

En juin dernier, StatCounter annonçait fièrement que les parts de marché de Chrome venaient de dépasser celles d’Internet Explorer (toutes versions confondues). Si ces chiffres ne font pas l’unanimité, la tendance du déclin d’Internet Explorer est bien réelle. D’après NetMarketShare, ces 2 dernières années, Internet Explorer a perdu 9% de parts de marché mondial (passant de 62% à 53%). D’après StatCounter, ces 2 dernières années, Internet Explorer a perdu 20% de parts de marché mondial (passant de 52% à 32%). Et tout ceci s’est fait au profit quasiment exclusif de Chrome, passant de 7% à 18% en deux ans d’après NetMarketShare, et de 9% à 33% d’après StatCounter. Pour rappel, jusqu’au milieu des années 2000, les parts de marché d’Internet Explorer dépassaient les 90%.

Avec ce genre de publicité, Microsoft tente de limiter la casse et de freiner le déclin d’Internet Explorer. Mais je ne suis pas sûr que ce soit suffisant…