Après IE8

La semaine dernière, Raphaël Goetter implorait sur son blog la mort d’IE8 :

Nous sommes en juillet 2013 et Internet Explorer 11 va sortir dans quelques jours, plein de promesses.

En attendant, son arrière-grand-père IE8 continue à être très prisé dans certains milieux (et je ne parle même pas de IE6 !).

Juste pour vous faire baver un peu, voici une petite liste non exhaustive des fonctionnalités (propriétés, valeurs et fonctions) CSS3 que l’on pourra employer à tour de bras dès que IE8 ne figurera plus dans nos cahiers des charges.

Je suis tout à fait d’accord dans l’idée de voir décéder IE8. Par contre, de mon point de vue, je ne souhaite pas nécessairement voir IE8 mourir pour pouvoir utiliser de nouvelles propriétés. Avec un principe de dégradation gracieuse, on peut déjà utiliser depuis un bon moment en production des media queries, box-shadow, transforms, border-radius, opacity, et j’en passe.

J’aime bien la philosophie de Kévin Rocher sur le support des anciennes versions d’IE (lue sur le blog de son stagiaire) : « fuck ie6, ie7 vaguement navigable, ie8 navigable. ie9 propre. » À moins de ne chercher à faire du pixel perfect, IE8 n’est plus vraiment un problème.

Pour moi, la disparition d’IE8 serait une bonne chose car IE8 est le dernier survivant d’une espèce de navigateurs en voie de disparition : les navigateurs liés au système rarement mis à jour et avec une adoption très très lente. D’un côté, il y a les navigateurs non liés au système, comme Chrome et Firefox, qui eux seront mis à jour toutes les six semaines. Et de l’autre côté, il y a les navigateurs liés au système comme Internet Explorer et Safari, mais qui dans le premier cas a droit à des mises à jour automatique, et dans le second profite de l’adoption très rapide des dernières versions de l’OS.

Si on reprend les chiffres douteux de StatCounter, ça signifie qu’aujourd’hui, 80% des navigateurs utilisés en France ont moins d’un an. Ça a de quoi donner foi au futur du web et du métier d’intégrateur.

Rappeler les bases

Le mois dernier j’ai eu la chance de séjourner à New York City. Au hasard de mes trajets en métro, je suis resté bloqué sur cette publicité :

You've got to hug and kiss your kids. Words aren't enough.

 

Vous devez serrer dans vos bras et embrasser vos enfants.
Les mots ne suffisent pas. 

Ça m’a semblé bizarre. Je n’ai pas d’enfants, mais cela m’a semblé être une évidence, un comportement des plus basiques à adopter. Bien sûr que vous devez faire des câlins et embrasser vos enfants. Il se trouve que cette publicité fait partie d’une campagne de 2008, « 10 façons d’être un super papa« , incitant d’autres comportements « basiques », comme écouter son enfant, manger ensemble, passer du temps ensemble… Cependant, je conçois que la vie de parent ne doit pas être toujours facile, et que ces rappels peuvent être utiles.

En parlant de rappel utile, je suis retombé ce week-end sur cet excellent article de Dustin Curtis sur les crash aériens, « Pilotez l’avion« . Il revient notamment sur les explications du crash du vol Air France 447 en plein océan atlantique en 2009 :

Peu après que le problème initial de capteur de vitesse ait été résolu par les systèmes anti-gel inclus dans l’avion, l’AF447 était un avion parfaitement opérationnel. Chaque instrument fonctionnait parfaitement. Il volait à une altitude sans danger. Si les pilotes avaient appuyé sur quelques boutons pour ré-activer le pilote automatique, tout le monde à bord aurait survécu. Mais ils ne l’ont pas fait. L’un des co-pilotes a fait une seule erreur absurde, pendant quatre minutes et vingt-trois secondes, qui a fait chuter l’avion.

Ce genre de défaillance humaine est plutôt courante; ce genre d’en apparence stupides décisions impossibles sont faites tout le temps dans des situations catastrophiques. J’ai déjà vu la panique s’installer quand les serveurs d’une startup sont tombés, par exemple, amenant les ingénieurs à passer à côté de choses simples dans leur confusion. J’ai déjà senti cette force écrasante quand j’ai fait de grosses erreurs.

À chaque fois que je lis ou vis l’une de ces situations, je me souviens d’une histoire que j’ai lue dans The Checklist Manifesto sur les listes de vérification en cas de panne moteur sur un avion Cessna à un seul moteur. La liste comporte six étapes cruciales, comme par exemple s’assurer que les vannes de carburant sont ouvertes et que la pompe du réservoir de secours est activée. Mais la première est fascinante. C’est simplement pilotez l’avion.  Dans la confusion causée par la perte d’un moteur, les pilotent paniquent souvent et oublient les choses les plus évidentes qu’ils devraient faire. Ça semble totalement inutile, mais cette étape assure la meilleure chance de survivre.

Je suis parfois surpris de certains commentaires sur des articles rappelant des bases, évoquant parfois la tristesse d’avoir à rappeler ces bases, parfois une pointe de condescendance, mais parfois tournant limite au lynchage public.

Plus je travaille en tant qu’intégrateur ou plus généralement en temps que concepteur web, et plus je réalise à quel point il est indispensable de rappeler les bases, que ce soit avec des clients néophytes ou des collègues avertis, et que ce soit dans des moments calmes en pré-conception ou dans des moments d’urgence une fois un site en production.

Un exemple d’infographie vide de sens

Ce midi je suis tombé sur cette infographie dans l’édition du jour du 20 minutes :

Les loyers des étudiants

Je suis bien resté cinq minutes à chercher le sens et l’intérêt de cette infographie, et surtout quelle information j’étais censé en retirer. Et je n’ai pas trouvé de réponse. Sébastien Desbenoit appelle ça une VIDANJ : « Visualisation de Données Accompagnant un Néant Journalistique. » J’aime bien cet acronyme.

Mais surtout j’adore cette infographie. Mais pas dans le bon sens du terme. Voici quelques points que j’ai relevé :

  • La représentation sous forme de carte géographique laisse penser qu’on chercher ici à comparer les prix des loyers entre les différentes villes. Sauf qu’on ne compare pas toujours les mêmes surfaces, ce qui rend la lecture vraiment compliquée. 
  • Chaque ville est représentée par deux barres représentant un loyer minimum et loyer maximum. Mais les surfaces choisies pour la comparaison sont bien étrange. À Lille, on compare un 30 m² et un 35 m². Il n’y a vraiment pas de plus petit loyer qu’un 30 m² ni plus grand qu’un 35 m² à Lille ?
  • Les sommes inscrites sur la carte semblent toutes avoir été arrondies, sauf le loyer maximum à Strasbourg qui est de 583 €. Ces trois euros ont-il une importance ? Ou alors c’est vraiment un coup de bol que toutes les autres moyennes tombaient juste à la dizaine ?

Tout ça m’a fait repensé à une conférence que j’avais adoré, d’Irene Ros à la Take Off Conference à Lille en janvier dernier : Responsible use of data visualization. Et en particulier cet exemple (à 18 min) :

Comparaison du chiffre d'affaires et des dépenses publicitaires entre Coca-Cola et Pepsi Cola

Un autre exemple rigolo, c’est de mal représenter des données. Tout le monde aime les infographies. Mais ici c’est un peu une véritable boucherie d’infographie.

Ils comparent le chiffre d’affaire annuel et les dépenses publicitaires entre Coca-Cola et Pepsi Cola. Et ils utilisent des camemberts pour ça. Il n’y a aucune raison à ça. Ça veut dire quoi 35,2 milliards de dollars… d’une capsule ? Et il n’y a aucune relation entre la taille des deux données comparées. Remarquez comme les 1,1 milliards de dollars sont plus gros que les 35,2 milliards de dollars. Et je ne suis pas sûr s’il faut que je regarde l’espace vide ou alors l’espace plein.

Ce qu’ils auraient dû faire, c’est plutôt ça.

Non seulement maintenant vous pouvez vraiment comparer visuellement les deux sociétés. Mais vous pouvez aussi comparer les deux catégories. C’est probablement plus important que de voir une capsule en 3D.

Le feriez-vous dans la vraie vie ?

Hier, j’ai vu chez Badsender cet exemple édifiant de newsletter :

Un titre de presse avec la même « Une » chaque jour ! Ok ou Ko ?

Chaque jour, l’objet de la newsletter envoyée par Libération est invariablement le même : « Le point de l’actualité du + DATE + au matin ».

Pourquoi ce qui est impensable avec la version papier du quotidien devient possible avec l’email ? Pourtant, la newsletter de Libération génère probablement un traffic considérable sur son site internet. Un traffic indispensable à la monétisation digitale du quotidien. Alors pourquoi ne pas optimiser ? Pourquoi cette paresse ?

C’est complètement fou. Le premier contact que n’importe quel abonné aura avec cette newsletter, la première information qui sera lue, chaque matin, sera totalement dénuée d’intérêt. (C’est aussi utile qu’un fichier appelé « style.css« .) Jamais un grand quotidien national n’irait occuper la plus grande partie de sa une avec la date du jour dans « la vraie vie ».

C’est le genre de pratique qui me rend fou, un peu comme les popups bloquantes à l’arrivée sur un site vous demandant vos coordonnées, un like ou un ticket restaurant, à votre bon coeur. Jamais un commerçant dans « la vraie vie » n’irait vous demander vos coordonnées dès votre entrée dans sa boutique. Il y a un temps pour tout.

Cela me rappelle certains exemples donnés par Charles de UXUI dans son article sur 24 jours de web, « Les concepteurs de sites internet ne sont pas (tous) des utilisateurs comme les autres » :

Une bannière publicitaire pour la gendarmerie sur le site de La Redoute ? Le concepteur salue un placement ambitieux, l’utilisateur se demande s’il existe un rapport entre le manteau qu’il venait chercher et ce gendarme qui lui sourit (et qui ne porte même pas de manteau.)

Les gendarmes à St Tropez... Ah non, La Redoute.

Vous imaginez rentrer dans une boutique de prêt à porter dans « la vraie vie » et être accueilli par une escouade de gendarmerie, présente pour recruter ? Ce serait fou.

Et je ne parle même pas des sites qui bloquent activement leurs utilisateurs sur des critères purement physiques, brillamment recensés sur WTF Mobile Web :

WTF Mobile Web

Feeling emasculated.
Come back when you have a bigger screen.

Vous imaginez rentrer quelque part dans « la vraie vie » et vous faire gentiment éjecter parce que vous êtes trop petit, trop grand, pas « bien comme il faut » ? Non merci.

Google avait magnifiquement illustré tout ça dans cette vidéo il y a deux ans :

En plus de respecter la loi des titres de Betteridge, « Le feriez-vous dans la vraie vie ? » est une bonne question à se poser lors de la conception d’un site web. Parce qu’au cas où il serait nécessaire de le rappeler : le web, c’est aussi « la vraie vie ».

Bonne chance, Firefox OS

Hier, Mozilla a annoncé la sortie officielle de Firefox OS ainsi que les premiers smartphones officiels à destination du grand public. Le ZTE Open est disponible dès aujourd’hui en Espagne chez Telefónica pour 69€. Le Alcatel One Touch Fire sera dévoilé plus en détail le 11 juillet en Pologne chez Deutsche Telecom.

C’est un grand événement pour Mozilla, et peut-être pour l’avenir du web tout entier. Et pourtant, j’ai toujours du mal à croire en Firefox OS. Il y a à mon avis deux façons de voir Firefox OS.

Il y a quelques mois, je parlais de Firefox OS autour de la citation « Vous pouvez mourir en héros ou vivre suffisamment longtemps pour vous voir devenir le méchant ». Les choses ne se sont pas améliorées depuis, et Firefox OS ressemble de plus en plus aux méchants Apple et Google que certains membres de Mozilla se délectent de critiquer. Pour lancer Firefox OS, Mozilla s’est associé à Foxconn, cette usine « d’animaux » et d’enfants, comme Apple et Google. Sur le marketplace de Firefox OS, les applications web sont soumises à validation, comme sur l’App Store ou Google Play. Et puisqu’il est basé entièrement sur des applications web tournant sur le moteur de rendu Gecko de Mozilla, Firefox OS interdit de facto à tout autre fabricant de navigateur de s’installer sur son système. De la part de Mozilla qui a lutté des années contre le monopole de Microsoft, ça fait tâche.

J’entends aussi souvent répété l’argument de l’ouverture de Firefox OS qui suffirait à assurer le succès du système, comme ça a été le cas pour Firefox. Selon moi, si Firefox a été un succès, c’est parce que c’était un bon produit. De ce que j’ai pu voir jusqu’à présent de Firefox OS, ou essayer via le simulateur ou le Geeksphone Peak acheté au boulot, Firefox OS n’est pas (encore) un bon produit. Le fait que l’application Mail n’arrive pas (encore) à afficher correctement un mail HTML n’y est peut-être pas pour rien. (Pour un OS dont le point fort est censé être son moteur de rendu web, ça fait un peu tâche quand même.)

Mais ce n’est surement pas la bonne façon de voir Firefox OS. Comme le rappelait hier Christian Heilmann (développeur évangéliste chez Mozilla), l’objectif de Mozilla est aussi de proposer un accès au web à des marchés émergents. Et c’est là où je commence à reprendre foi en Firefox OS. Il y a aujourd’hui 2,5 milliards de personnes ayant accès à Internet. Ça signifie qu’il y a encore 4,5 milliards de personnes à inviter à nous rejoindre. En octobre dernier, la CNN titrait « L’Afrique n’est pas juste un continent mobile-first, c’est mobile-only » :

Il y a plus de gens en Afrique qui ont un téléphone mobile que de gens ayant accès à l’électricité.

La perspective que Mozilla arrive à s’imposer dans ces pays, offrant un accès au web à encore plus de monde me semble bien plus excitante que toute autre paluchage devant des spécifications techniques ou des technologies web en cours de standardisation. Et c’est pour ça que même si j’ai du mal à croire en Firefox OS, j’espère de tout coeur que Mozilla réussira sa mission.

Alors bienvenue au monde et bonne chance, Firefox OS.

L’importance d’un intégrateur

Indice visuel

Répétition

L’après Photoshop

« Arrêtez de dessiner des poissons morts »

L’expérience d’un premier achat

La théorie du McDonald’s

HTML5, CSS3 et les technologies qui fonctionnent

Une licorne en intégration

Ton dogme c’est de la merde

La nature du web

La compression d’images par les opérateurs

La cible

Un iPhone, c’est compliqué

Et si on créait de meilleurs sites pour rien ?