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« Sans Firefox, pas d’iPhone »

Cette semaine chez Le Train de 13h37, Anthony Ricaud (développeur web chez Mozilla) parle des dangers d’une culture mono-navigateur dans le monde mobile. Je suis globalement d’accord avec son propos et l’importance des standards sur le web. Par contre, je ne suis pas d’accord avec une partie de son article sous-titrée « Sans Firefox, pas d’iPhone ».

Nous sommes en 2004, Internet Explorer domine le marché des navigateurs, Netscape n’est plus. Après une compétition acharnée, la fameuse Browser Wars, le navigateur avec les fonctionnalités les plus intéressantes a gagné. Oui, c’était bien Internet Explorer le meilleur navigateur à ce moment-là.

Les développeurs web sont vraiment ravis de pouvoir utiliser tous les raffinements d’Internet Explorer 6 : font-face, AJAX, innerHTML. Malheureusement, la plupart de ces fonctionnalités sont inopérantes dans les navigateurs alternatifs de l’époque (Mozilla Suite, Opera, etc.), ce qui limite forcément leurs parts de marché : les utilisateurs pensent qu’ils sont défaillants et retournent donc dans le confort du navigateur dominant.

Imaginons maintenant que l’iPhone sorte dans ce contexte de 2004. Un téléphone mobile révolutionnaire, un iPod à écran panoramique doté de commandes tactiles et un appareil de communication sur Internet innovant.  » Appareil de communication sur Internet innovant  » ?
Avec si peu de sites compatibles ? Je ne crois pas : la plupart des sites incluent du code spécifique à Internet Explorer, rendant Safari iPhone bien inintéressant. Et franchement, un iPod qui passe des coups de fil sans un vrai navigateur, ça n’aurait pas valu ce prix-là. Et toute la révolution de l’internet mobile qui a suivi aurait été bien retardée.

Heureusement, entre la domination d’Internet Explorer et la sortie de l’iPhone, il y a eu un nouvel arrivant qui a changé la donne : Firefox.

La thèse d’Anthony, c’est qu’Apple n’aurait jamais sorti l’iPhone dans un contexte où des millions de sites n’auraient pas fonctionné dessus. Mais c’est pourtant exactement ce qu’ils ont fait. Et ce, délibérément.

Quand Apple a présenté l’iPhone en 2007, le monde s’insurgeait de l’absence de Flash. Et à raison : en 2007, le paysage des navigateurs était représenté principalement par IE6, IE7, et Firefox 2, un peu d’Opera et de Safari (mais pas encore de Chrome). On était alors très loin de l’omniprésence de HTML5 actuelle. Et Flash était alors un standard de facto. Non seulement Flash était utilisé pour lire des vidéos ou jouer à des jeux, mais aussi pour quasiment n’importe quel type d’animation et de contenu : carrousels, menus, sites full-flash. L’horreur. En refusant à Adobe de porter son plugin sur iPhone OS, Apple a délibérément choisi de rendre incompatible (en partie ou totalement) des millions de sites web. C’était une véritable plaie pour les utilisateurs et les auteurs des sites en question, mais l’histoire prouvera que c’était la bonne décision.

Et l’iPhone n’était pas un cas isolé. En 2010, avec l’iPhone 4, Apple a introduit pour la première fois ses écrans Retina, avec des écrans d’une résolution 2x supérieure. Cette année, pour la première fois, Apple a sorti un Macbook Pro avec un écran Retina 13″ d’une résolution de 2880x1800px. Problème : avec une telle résolution, tous les contenus non adaptés apparaissent atrocement flous. Avec ses écrans Retina, Apple a rendu des millions de sites web moches. Mais la bonne nouvelle, c’est que ça pousse les développeurs consciencieux à revoir leurs pratiques. Ce qui était il y a encore quelques années une pratique courante d’avoir du texte dans des images est devenue une pratique à éviter à tout prix. Et même si on est encore au balbutiement de l’adaptation de sites pour écrans Retina, la disparition de textes en image est plutôt une bonne chose pour le web.

Il y a quelques années, je me souviens d’avoir lu un tweet (dont j’ai oublié l’auteur) qui disait quelque chose comme ça :

Avec l’iPhone, Apple a fait plus pour les standards du web que Mozilla en 5 ans.

C’est assez catégorique, mais je pense que c’est vrai. En supprimant Flash de ses appareils, Apple n’a pas laissé le choix aux développeurs web que de se conformer à des standards pour laisser leur contenu visible. Je suis convaincu que si Flash avait été présent sur iPhone dès le départ, les standards du web n’aurait jamais autant d’écho qu’aujourd’hui.

Mozilla pousse les standards et les bonnes pratiques du web par l’évangélisme. Apple pousse les standards et les bonnes pratiques du web par la dictature.

Les deux méthodes portent leurs fruits, mais clairement pas aussi rapidement. Et si on devait attendre comme Mozilla que plus aucun site n’utilise Flash pour bloquer le plugin, il y a de fortes chances pour que ce jour n’arrive jamais.

L’expérience utilisateur d’un grille-pain

Il y a quelques semaines, Charles de UXUI a écrit un chouette article sur l’expérience utilisateur du valet de piscine. Ça m’a rappelé des souvenirs de sorties piscine à l’école primaire. Ça m’a rappelé à quel point cet objet est mal conçu, et a sans doute contribué au fait que j’ai une certaine aversion pour les piscines municipales. Mais ça m’a surtout rappelé à quel point bon nombre d’objets du quotidien sont mal fichus.

Voici ma petite expérience de simple utilisateur avec un produit du quotidien : le grille-pain.

J’aime bien le pain grillé. J’aime l’odeur du pain grillé le matin. J’aime le bruit de mon couteau qui tartine mon pain tout juste grillé. J’aime le goût du pain encore chaud craquant dans ma bouche. Pourtant, c’est un plaisir que je me réserve assez rarement.

Et pour cause : je déteste mon grille-pain. Voici mon grille-pain actuel.

Mon grille pain

C’est un grille-pain plutôt classique, vendu environ 30€. On trouve 5 boutons sur ce grille-pain. Un bouton « pressoir » pour abaisser le pain une fois inséré et démarrer le grillage du pain, un bouton rotatif pour sélectionner le thermostat selon 6 positions, un bouton pour activer un mode décongélation, un bouton pour activer un mode réchauffage, et un bouton stop. A noter qu’en 6 mois, je ne me suis jamais servi de ces trois derniers boutons.

Quand vous allez dans un magasin spécialisé en électro-ménager pour acheter un grille-pain, vous serez confronté à des dizaines de modèles du même genre. Vous aurez le droit à une grande variété de design, couleurs, prix, et fonctionnalités annexes. Mais fondamentalement, un grille-pain c’est une fente pour y déposer du pain, un bouton de mise en marche, et un bouton de thermostat.

C’est extrêmement simple. Et pourtant, ça me pose plusieurs problèmes à l’utilisation :

  • Je n’ai aucune indication sur la durée du grillage. Avec l’habitude, j’arrive a peu près à estimer cette durée selon le thermostat. Mais quand j’arrive dans ma cuisine en provenance de ma salle à manger et que mon grille-pain est en marche, je n’ai aucun moyen de dire combien de temps il reste à chauffer.
  • Je ne peux mettre que 2 à 3 morceaux de pain à la fois. Ça signifie que quand je petit-déjeune avec madame, il faudra faire 2 ou 3 aller-retours en cuisine pour faire griller chacun nos tartines, le tout prenant jusqu’à 10 minutes au total.
  • Ces grille-pain sont dangereux. J’ai déjà vu des flammes de 10 cm s’échapper d’un précédent grille-pain parce que le pain avait trop chauffé. Pour éviter les incendies à domicile, le Ministère de l’Intérieur recommande officiellement de « se méfier des grille-pain ». Il est également difficile de récupérer des plus petits morceaux de pains qui peuvent se coincer au fond, et on risque alors l’électrocution. Je ne suis pas un expert en électro-ménager, mais je sais que je ne devrais pas avoir à craindre de risquer ma vie et la vie de mes proches quand j’ai envie de manger du pain grillé.

Alors que faire ? N’existe-t-il aucune alternative innovante ?

Récemment en vacances à l’étranger, j’ai profité des joies du petit-déjeuner à l’hôtel. Et surtout, j’ai découvert ceci.

Grille-pain convoyeur

Ceci est un grille-pain convoyeur. Il est composé en haut d’une partie chauffante où vos tartines défileront sur un convoyeur automatique, et d’une partie inclinée en bas où vos tartines tomberont et glisseront toutes seules une fois grillées. Il n’y a que deux boutons : un pour régler la mise en marche et le thermostat, et un pour régler la vitesse du défilement des tartines.

A près de 40 cm³, 17 Kg, pour un prix avoisinant les 600€, c’est un véritable monstre, difficilement adapté à une cuisine domestique. Et pourtant, son fonctionnement résout tous les problèmes rencontrés ci-dessus.

  • Simplement en regardant le pain défiler, vous savez en un instant où ça en est. Pas besoin de minuterie électronique compliquée, la machine indique d’elle-même son état.
  • Vous pouvez rapidement enchaîner toutes vos tartines. Pas besoin d’attendre que les premières soient terminées avant de mettre les suivantes.
  • Il y a moins de risque d’incendie car le pain ne reste pas dans la zone chaude une fois grillée. Et le pain est très facilement récupérable en dessous, quelque soit sa taille.

Et vous savez quelle est la meilleure partie de ce grille-pain ? C’est amusant. C’est amusant de voir les morceaux de pain défiler et chauffer tout doucement, puis tomber et glisser avant de les récupérer.

Il existe des versions « mini » de ce type de grille-pain, plus adaptées en taille à une cuisine domestique, mais encore 15 fois plus chères qu’un grille-pain classique. Je ne m’y connais pas plus que ça en grille-pain, mais s’il était possible d’avoir un modèle de ce genre, même pour 2 à 3 fois le prix d’un grille-pain classique, je me jetterais probablement dessus.

Si vous êtes à la recherche du « next big thing« , du produit super innovant qui vous rendra riche, commencez par regarder autour de vous. Regardez les objets de votre quotidien. Regardez ce que fait Dyson avec les traditionnels sèche-mains. Ou ce que fait Nest avec son thermostat. Je bave bien plus devant ce genre de produits que devant des nouvelles tablettes ou smartphones.

Le marché des navigateurs

Pour bien comprendre le monde du web, je pense qu’il est important de bien comprendre le marché des navigateurs. C’est un marché de plusieurs milliards de dollars. Pourtant, il y a de fortes chances pour que vous n’ayez jamais déboursé le moindre centime pour utiliser votre navigateur.

Ça n’a pas toujours été le cas. En 1994, la toute première version d’Internet Explorer était disponible uniquement au sein du pack Microsoft Plus! pour Windows 95, vendu 55$. Deux mois après, IE2 était inclus officiellement par défaut dans Windows 95. Jusqu’en 1998, Netscape était vendu 49$. Jusqu’en 2000, Opera était disponible pour 39$. Alors comment font les grosses sociétés comme Apple, Microsoft, Mozilla ou Google pour gagner de l’argent ? Voici quelques explications détaillées pour chaque cas.

Apple et Safari

Apple est un fabricant de matériel. En 2011, Apple a généré un chiffre d’affaires de 108 milliards de dollars, avec 60 400 employés. L’année d’avant, la majorité des revenus d’Apple provenaient de la vente de matériel (iPhone, iPod, Mac). Bien sûr, Apple conçoit et vend des logiciels (OS X, iWork, iLife), et distribue également de la musique, des films et des applications via iTunes et l’App Store. Mais en comparaison de ce que leur rapporte la vente de matériel, ça ne leur rapporte « quasiment rien » (on sera quand même dans l’ordre de milliards de dollars, mais hey, c’est Apple). Toutes ces applications et services ne sont que des moyens pour arriver à une fin : vendre du matériel. En proposant des logiciels exclusifs à leur plate-forme, Apple vend plus de matériel.

Et c’est donc dans la même idée qu’Apple développe WebKit et Safari gratuitement, pour proposer par défaut un service complet sur ses machines. Et il se trouve qu’au passage, ça leur rapporte un peu d’argent de poche. L’année dernière, Google a payé Apple 1 milliard de dollars pour être le moteur de recherche par défaut dans Safari.

Microsoft et Internet Explorer

Microsoft est un éditeur de logiciels. En 2012 (année fiscale), Microsoft a généré un chiffre d’affaires de 73 milliards de dollars, avec 94 000 employés. La majorité des revenus de Microsoft provient de la vente de logiciels (Windows et Office en tête). Pour vendre ses logiciels, Microsoft s’adresse soit directement, soit à des fabricants d’ordinateurs pour leur vendre des licenses et installer par défaut leurs logiciels et OS.

Pour Microsoft, un peu comme pour Apple, Internet Explorer est donc un moyen de proposer un système d’exploitation complet et attrayant, et ainsi de vendre plus de Windows. Au passage, Internet Explorer leur permet aujourd’hui de faire la promotion de Bing à faible coût.

Mozilla et Firefox

Mozilla est un éditeur de logiciels à but non lucratif. En 2011, la fondation Mozilla a généré un chiffre d’affaires de 123 millions de dollars, avec 600 employés pour la Mozilla Corporation. La majorité des revenus de Mozilla provient de Firefox, et indirectement de… Google. Google paye 300 millions de dollars par an à Mozilla pour être le moteur de recherche par défaut du navigateur.

La principale motivation de Mozilla est donc d’avoir suffisamment de parts de marchés pour imposer un tarif élevé à Google et Microsoft pour la place hautement convoitée de moteur de recherche par défaut.

Google et Chrome

Google est un moteur de recherche. En 2011, Google a généré un chiffre d’affaires de 37 milliards de dollars, avec 54 604 employés. La majorité des revenus de Google provient de la vente d’espace publicitaires sur son moteur de recherche et sur son réseau publicitaire. En 2011, 96% des revenus de Google provenaient de la vente d’espace publicitaire. Google conçoit également pleins d’autres services que son moteur de recherche, comme Youtube, Android, Google Maps ou Google Docs. Mais tous ces services ne sont que des moyens pour Google d’arriver à leur fin : vendre et diffuser encore plus de publicités. En utilisant plus de services de Google, vous permettez à Google de mieux vous cibler et ainsi de mieux vous revendre à leurs annonceurs.

Chrome est développé en partie dans cette logique. Avec Chrome, Google s’autorise à utiliser vos données de navigation à « des fins d’amélioration de leurs services ». C’est à dire, vous suivre et étudier ce que vous faites, même en dehors de leurs réseaux de sites (par exemple sur des intranets habituellement non accessibles pour Google). Mais aussi, comme vous l’avez vu jusque là, Google dépense des milliards afin de conserver la place de moteur de recherche par défaut sur les autres navigateurs. Avec Chrome, et avec une part de marché désormais non négligeable, Google peut négocier les tarifs à son avantage.

C’est important d’avoir une idée des liens entre chacun des acteurs majeurs, car ça permet de mieux comprendre certaines décisions. Par exemple, quand Apple abandonne en silence Safari sous Windows, c’est parce que ça ne leur rapporte rien du tout. Quand Google décide de lancer sérieusement Chrome comme navigateur par défaut sur Android, c’est pour mieux s’imposer et éviter de payer des fortunes à Apple et Mozilla.

Bienvenue dans le monde d’Apple

Il y a quelques semaines, le magazine Forbes rapportait qu’Apple était désormais la société ayant la plus grande valeur en capitalisation boursière (et historiquement, juste derrière le record de Microsoft en 1998). Cette nouvelle va dans la continuité de trois trimestres aux résultats exceptionnels pour Apple (1, 2, 3).

Je pense que les résultats d’Apple sont à prendre très au sérieux. Apple n’est pas pour autant la plus grosse société au monde (avec seulement 60 000 employés contre 2 millions pour WalMart). Apple n’est pas non plus la société générant le plus gros chiffres d’affaires (avec « seulement » 108 milliards de dollars en 2011 contre plus de 486 milliards de dollars pour ExxonMobil). Mais Apple est en tête des sociétés qui génèrent le plus de bénéfices au monde. En 2012, Apple cumule déjà 33,46 milliards de dollars de bénéfices, assurant ainsi la 7ème place au panthéon des sociétés ayant fait le plus de bénéfices en une année.

Les bénéfices, pour une entreprise, c’est vital. Comme le dit John Gruber, « les bénéfices sont l’oxygène que les sociétés respirent« . Les bénéfices sont ce qui permet à une entreprise de vivre, d’avancer, de se projeter, d’innover. Mais surtout, les bénéfices confèrent aux grandes entreprises une influence importante.

Il y a quelques mois, lors de l’annonce des résultats d’Apple pour son second trimestre de l’année fiscale 2012, j’écrivais :

Je suis né et j’ai grandi dans un monde où les rois du pétrole étaient les rois du monde. Nos moyens de locomotions, nos modes de vie, nos Guerres, ont directement été influencées par la possession et le contrôle du pétrole.

Depuis 6 mois, ce n’est plus le cas. Depuis 6 mois, c’est une société informatique qui a pris ce rôle. Depuis 6 mois, c’est Apple qui domine le monde.

La comparaison entre Apple et les compagnies pétrolières est une parfaite illustration de la théorie espagnole : les compagnies pétrolières gagnent de l’argent en vendant de la « matière noire », Apple gagne de l’argent en vendant de la matière grise.

L’idée de l’influence qu’Apple peut avoir sur notre société en comparaison avec l’influence qu’ont eu les compagnies pétrolières me fascine. Car c’est à la fois une très bonne chose, et une très mauvaise chose. C’est une bonne chose, selon moi, pour certaines valeurs d’Apple que je partage, comme le goût du design. Mais c’est une mauvaise chose, selon moi, pour d’autres pratiques moins appréciables, comme leur fermeture et leur propriétarisation à outrance.

Dans le monde informatique, l’influence d’Apple en matière de design se fait déjà fortement sentir. Jugez plutôt.

Produits "Inspirés" par Apple

Il n’y a pas un seul produit Apple sur cette image. (De gauche à droite et de haut en bas : le N2-A de KIRF, la Chromebox de Google, un câble USB pour Galaxy Tab de Samsung, le HP Envy, le packaging d’une Galaxy Tab de Samsung, la tablette/laptop Series 7 de Samsung).

Le plagiat est éhonté, mais je préfère vivre dans un monde où nos appareils électroniques s’inspirent d’un bon design. Les comparaisons de produits avant/après l’arrivée de l’iPhone ou du Macbook Air en sont un bon témoignage. Ce goût du design minimaliste s’étend aussi petit à petit à d’autres produits, comme le thermostat Nest, le (feu) caméscope Flip, ou l’appareil photo Lytro.

Sur le web, l’influence d’Apple, bien que peu apparente, me semble toute aussi importante. Apple a par exemple joué un rôle majeur dans la disparition de Flash sur le web. Bien que n’étant pas les premiers à ne pas supporter Flash sur leurs appareils, l’influence d’Apple a clairement aidé.

Mais l’influence d’Apple sur le web n’est pas toujours aussi positive, et en voici quelques exemples.

  • En choisissant délibérément de ne pas respecter les spécifications du W3C et en ne retirant pas les préfixes –webkit- des propriétés CSS en cours de recommandation, Apple a initié tout un tollé menant à la disparition des préfixes navigateurs.
  • Avec le lancement d’iBooks Author en début d’année, Apple a préféré lancer son propre format de livre numérique dérivé d’EPUB, plutôt que de contribuer au standard pour en faire bénéficier toute l’industrie. On retrouve également une tripotée de propriétés CSS non standards qu’Apple a implémenté dans WebKit, sans aucune intention de les standardiser, au dépends des autres navigateurs et de l’éco-système ouvert du web.
  • Le format vidéo ouvert WebM a été tué dans l’oeuf par Google, au profit du format H.264, format  plébiscité par Apple et indispensable pour lire des vidéos sur le web sur iOS.
  • Avec le lancement d’iOS 4.3, Apple a grandement amélioré le moteur JavaScript de Safari (Nitro). Sauf que ces améliorations ne sont pas disponibles pour des applications web en dehors de Safari (via une UIWebView ou un raccourci sur l’écran d’accueil). Résultat : le développement d’application web est souvent laissé de côté.
Que ça vous plaise ou non, nous vivons désormais dans le monde d’Apple. Impossible de dire combien de temps cela va durer. Alors pendant ce voyage, profitez-en pour admirer de bons designs de produits, mais gardez les yeux ouverts à tout comportement qui pourrait vous paraître suspect. Parce qu’Apple est là où nulle société informatique n’a jamais été, nous n’avons pas la moindre idée d’où tout cela va nous mener.

Le temps

Voici une vérité assez dérangeante : un intégrateur peut intégrer n’importe quelle page en 1 heure. Oui, mesdames et messieurs, en seulement une heure.

Alors, bien sûr, en aussi peu de temps, il ne faudra pas s’attendre à avoir un résultat de qualité (on en revient au classique trio coût-temps-qualité). Il y a des chances pour que, sous cette contrainte, vous ayez droit à des tableaux, des noms de classe CSS numérotés, des position:absolute partout, des grosses images, et des plugins jQuery à gogo. Votre page sera peut-être totalement inmaintenable, mal référencée, pas compatible IE6, super lourde et pas tout à fait fidèle à la maquette. Mais, youpi, vous avez fini en une heure.

Si vous travaillez en agence, ça vous est surement déjà arrivé : une newsletter, une page landing, voire un site complet à intégrer en urgence. On vous laissera quand même peut être plus qu’une heure. Mais le temps deviendra votre première contrainte.

Il est alors important de savoir ce que vous devez privilégier. Il y a quelques mois, j’expliquais mes critères de qualité d’une intégration basé sur les 3 questions suivantes :

  1. Est-ce que c’est bien pour l’internaute ? (performance, compatibilité, accessibilité)
  2. Est-ce que c’est bien pour le projet ? (graphisme, référencement, développement)
  3. Est-ce que c’est bien pour moi ? (bonnes pratiques, maintenabilité)

Je pense que, même sous la contrainte du temps, il faut garder à l’esprit qu’on travaille pour l’internaute. Du coup, on sera amené à abandonner d’abord les dernières critères. Par manque de temps, je laisserai sûrement de côté mes bonnes pratiques habituelles et la maintenabilité de mon code. Et si vraiment je n’ai toujours pas le temps, je laisserai de côté le respect du graphisme, des bonnes pratiques du référencement ou des contraintes de dev. Et enfin seulement, si vraiment je n’ai pas le temps, je ferai l’impasse sur la performance, la compatibilité ou l’accessibilité.

Il paraît clair qu’avec trop peu de temps, on n’aura jamais un résultat de qualité. Mais à l’inverse, trop de temps devient nuisible à l’intégration. Si pour la même intégration, on vous accorde non plus une heure, mais une semaine complète, vous risquez fortement de tomber dans de la surréflexion et de chercher à faire de la sur-qualité. Votre page risque alors de devenir à nouveau inmaintenable, sur-optimisée et éloignée des vraies bonnes pratiques.

Le temps est sans doute le pire ennemi de l’intégrateur. Et plus que n’importe quelle notion technique, c’est certainement la chose la plus difficile à apprendre à gérer.