La nature du web

La semaine dernière, j’ai lu chez A List Apart un article qui m’a énormément plu de Kevin Goldman, Material Honesty on the Web. L’auteur s’interroge sur « l’honnêteté » d’une page web qui ne respecte pas la nature même du web. Il commence par rappeler les matériaux du web :

Les matériaux du web se rangent bien en trois catégories.

  1. La base : HTTP, URL et HTML
  2. Le style : CSS
  3. La décoration : « raster graphics » (du graphisme à base de pixels)

Ce n’est pas la première fois que je parle de matériau du web, mais je pense que cette notion est particulièrement importante. J’avais bien aimé la conférence de John Gruber, Apple and the Open Web, qui décrivait les fondamentaux du web comme « les deux HT : HTTP et HTML ». Mais la description me semble plus complète et bien répartie.

Il continue ensuite en décrivant chacun de ces matériaux et ce qu’il considère comme une utilisation honnête. Il est parfois un chouilla extrémiste sur certains sujets (tu sais que c’est extrémiste quand même moi je dis que c’est extrémiste), comme lorsqu’il dit « qu’un effet de lumière comme une ombre portée est malhonnête […] car il n’y a pas de source de lumière dans un écran numérique qui induit cet effet« . Mais il utilise l’exemple d’une brosse à chiotte pour compenser (tu sais que c’est un bon article quand on cite en exemple de design une brosse à chiotte). J’ai particulièrement retenu ce passage sur « la base » (où il cite un autre excellent article de septembre dernier chez A List Apart) :

L’article de Paul Robert Lloyd, The Web Aesthetic, pose la base.

Le web pourrait presque être considéré comme un matériau composite, constitué de HTTP (le « comment »), des URL (le « où »), et de HTML (le « quoi »). Omettez n’importe lequel de ces ingrédients et vous n’êtes plus en train de faire du web.

Faites ce que vous voulez par dessus, mais si ces protocoles n’existent pas, ce n’est pas du web. Ce n’est pas honnête.

Par exemple, un site en Flash qui n’a pas ces matériaux fondamentaux ne se chargera pas sur de nombreux appareils populaires. Puisque des URL honnêtes pour chaque page n’existent pas en Flash, ce sont vraiment des pages malhonnêtes qui sont difficiles à lier, pas partageables de manière prévisible, et difficiles à naviguer à cause du bouton précédent du navigateur qui peut produire des résultats inattendus. Certains robots de recherche peuvent indexer du contenu en Flash, mais comme ce n’est pas livré avec du HTML honnête, des tas de problèmes de SEO, d’accessibilité et de maintenance font surface. Ce n’est pas un secret que des interactions pauvrement prévues peuvent être malhonnêtes pour exactement les mêmes raisons.

Le concept important décrit ici, c’est de construire son site « par dessus » cette couche de matériau. L’inverse, ce serait de concevoir son site indépendamment de ces matériaux, par exemple dans Photoshop, et de construire son site par dessus cette couche fictive.

Et tout cela m’amène à vous inviter à lire un autre excellent article, publié il y a plus d’un an par Nicolas Hoffmann, qui parle Du web au naturel, du web « bio » :

Il est une chose dont j’ai l’intime conviction en matière de développement et d’intégration web, c’est qu’il faut rester le plus proche possible du fonctionnement naturel des divers éléments ainsi que de la simplicité.

J’ai la même conviction, que ce soit du chargement d’une page à des faux contrôles de formulaires. Concevoir un site autour de son design, chercher à tout prix à avoir le contrôle de son design sur le web, ce n’est pas faire preuve d’intelligence. C’est montrer qu’on n’a rien compris au web.

Le web est une plate-forme stupide, dans le sens où vous pouvez faire tout et n’importe quoi. Essayez de faire une application de 3 Go sur iOS, et Apple vous remettra dans « le droit chemin ». Essayez de faire une page web de 65 Mo, et personne ne viendra vous en empêcher. Encore une fois, la maxime « Juste parce que vous pouvez le faire ne signifie pas que vous devez le faire » est à garder à l’esprit. En particulier à l’approche de ce que j’appelle le troisième âge du web.

 

 

  1. julien, le

    déjà le classement par « catégories » est ultra discutable puisqu’on met ensemble un protocole de communication, un système d’adresse, un langage d’un côté; un autre langage de l’autre; et ce « graphisme à base de pixels » n’a aucun sens

    Bof bof la catégorisation qui mélange un peu tout (protocole de comm, système d’adressage, langage d’écriture) avec un truc qui n’a point de sens (graphisme à base de pixels).
    Re bof bof le coup du « Juste parce que vous pouvez le faire ne signifie pas que vous devez le faire » : si j’ai une bonne raison de le faire (un site web répond à des objectifs précis, s’adresse à une cible précise…) ma démarche est valide.

  2. Pierre, le

    Je suis plutôt d’accord avec cette article. Surtout cette phrase « Concevoir un site autour de son design, […] ce n’est pas faire preuve d’intelligence. ». Combien de design web ont été et sont conçus sans vraiment prendre en compte « le web ».. On cherche le beau, la différenciation, l’extravagance alors qu’un bon design doit être réfléchi sur les bases du web.

  3. A.nonym, le

    J’ai trouvé cet article verbeux, malhonnête et approximatif (typiquement du blabla de designer.)

    Il illustre bien la dérive actuelle d’ALA, qui ne se sent plus pisser et se radicalise au moment où il a gagné la guerre.

  4. Stephane, le

    C’est quand même assez rapide et réducteur surtout quand on compare à l’article original bien plus long.

    Mais le débat est en mon sens assez inutile et personnel, c’est un peu comme les fou de la sémantique web qui ne jure que par ça et qui dénigrent tout ce qui n’est pas « correct » à leur yeux.

    Je suis d’accord qu’en matière de webdesign il ne faut pas « trop » en faire, mais ton travail doit répondre à un cahier des charges et se différencier du reste.

    Au contraire si le web évolue autant c’est justement parcequ’on peut tout y faire, tout et n’importe quoi et c’est dans ces expériences qu’on y pèche de bonnes idées. Les choses évoluent et on doit tenir compte de ces évolutions.