L’après Photoshop

Il y a eu un sacré paquet d’articles sur l’utilisation de Photoshop pour le web ces derniers mois. À l’heure où l’on est supposé épouser une diversité incroyable d’appareils, je suis convaincu que le design sous Photoshop n’a plus vraiment sa place.

Je crois que les discussions ont commencé suite à cet excellent article de Brad Frost en janvier dernier sur « L’ère post-PSD » :

Tout au long de ma carrière, j’ai vu des graphistes immensément talentueux perdre une montagne de temps à créer des maquettes complètes de ce à quoi un site web pouvait ressembler. On pousse des pixels, on sue sur des détails, les pages sont imprimées, accrochées sur des murs, et présentées à des clients. Les clients braillent leurs retours, les graphistes exécutent. Ils répètent cette danse jusqu’à ce que tout le monde soit content (ou jusqu’à ce que personne n’en ait plus rien à faire, ce qui arrive plus souvent que vous ne le croiriez). Et seulement à ce moment ces sacro-saintes maquettes sont transmises (ou plutôt balancées) aux développeurs pour les construire.

C’est un processus de plus en plus pathétique qui a de moins en moins de sens dans ce monde et cette époque multi-appareils. Je ne plaide pas pour abandonner complètement Photoshop et faire du design uniquement dans le navigateur (ils sont où déjà les modes de fusion dans les outils de développement de Chrome ?) mais plutôt pour une meilleure compréhension de comment utiliser Photoshop pour du web design moderne.

Je pense que « pathétique » est le bon mot. On vient de passer les vingt dernières années à tenter de faire du print sur le web. Il est temps que ça change.

Afin de palier aux faiblesses techniques de Photoshop, certains prêchent l’utilisation d’autres logiciels, comme Sketch par exemple. C’est déjà un bon premier pas pour s’éloigner du Bitmap de Photoshop vers du vectoriel, plus proche de la nature du web. Mais à chaque fois, la réaction d’une partie de la petite communauté de Directeurs Artistiques sur Twitter est la même : « Comment osez-vous nous imposer un logiciel pour faire du design ? Nous on ne vient pas vous dire dans quel logiciel travailler. » C’est touchant, mais c’est pourtant exactement ce qui se passe.

En travaillant sous Photoshop, vous imposez à toute votre chaîne de production d’en faire autant. Parce que le format PSD est une véritable abomination, Adobe s’assure à chaque mise à jour qu’il reste inutilisable de manière fiable sous tout autre logiciel (coucou les dossiers de calques qui sautent dans Pixelmator ou Gimp). Photoshop est aussi un outil particulièrement atroce à utiliser pour de l’intégration. Certains plugins comme CSS Hat ou Slicy (anciennement Layer Cake) tentent de rendre la tâche moins pénible, on est encore loin d’un véritable outil pensé pour de l’intégration. Et même si des logiciels comme Sketch améliorent cette situation, je ne suis pas sûr que remplacer Photoshop par un autre logiciel propriétaire ne soit la solution.

J’aime bien la vision de Ryan Singer abordée lors d’une séance Play by Play sur le prototypage d’interface : « Photoshop est juste un outil — de la même manière qu’un croquis — pour retirer le doute sur une idée. »

Que ce soit pour de l’intégration ou du design, j’utilise Photoshop ou Pixelmator comme si j’étais dans une épreuve de Fort Boyard : une fois rentré, mon but est d’en sortir le plus rapidement possible avec la réponse à ce que je suis venu chercher.

Il y a quelques années on faisait des sites complets en Flash. Aujourd’hui on maquette encore des sites complets sous Photoshop. Il est temps que ça change. Comme dans le cas des pré-processeurs, je pense que le problème n’est pas l’outil qu’on utilise, mais ce qu’on en fait. L’après Photoshop n’arrivera qu’une fois qu’on se sera débarrassé de cette vision print du web.