Les articles de la catégorie « Anecdotes »

L’e-mail le plus réussi au monde

Si mes souvenirs sont bons, j’ai passé l’une de mes premières commandes en ligne en 2002 sur CD Baby pour acheter l’album (alors exclusif au site) Electro-Shock Blues Show de Eels. La réception de ma commande fut une excellente surprise, avec un CD gratuit rempli de MP3 de tous les autres artistes disponibles sur le site. Mais surtout, quand vous passez une commande sur CD Baby, vous recevez cet e-mail :

Rémi,

Merci pour votre commande chez CD Baby !

Votre CD a été délicatement extrait de nos étagères chez CD Baby avec des gants stérilisés non contaminés et placé sur un coussin de satin.

Une équipe de 50 employés a inspecté votre CD et l’a poli pour être sûr qu’il soit dans les meilleures conditions possibles avant l’envoi.

Notre spécialiste de l’emballage en provenance du Japon a allumé une bougie et le silence s’est abattu sur la foule lorsqu’il a mis votre CD dans la plus belle boîte enluminée d’or qu’on puisse acheter.

Nous avons tous fait une merveilleuse célébration par la suite et toute la fête est descendue dans la rue de la poste où la ville de Portland toute entière saluait « Bon Voyage ! » à votre colis, en route vers vous, dans notre jet privé CD Baby ce jour, le samedi 2 juin.

J’espère que vous avez passé un bon moment à commander sur CD Baby. C’était le cas pour nous. Votre photo est sur notre mur en tant que « Client de l’année ». Nous sommes tous épuisés mais avons déjà hâte que vous reveniez sur CDBABY.com !!

Si je parle de ça, c’est parce que cette semaine l’excellent Timothy Ferriss a laissé la parole à Derek Sivers, le fondateur de CD Baby et l’auteur de ce mail, pour ce qu’il décrit comme « l’e-mail le plus réussi au monde » :

Ce seul ridicule e-mail, envoyé avec chaque commande, a été tellement aimé que si vous cherchez sur Google « private CD Baby jet », vous aurez plus de 20 000 résultats. A chaque fois, c’est quelqu’un qui a reçu l’e-mail et qui l’a tellement aimé qu’il l’a posté sur son site web et l’a dit à tous ses amis.

Ce seul e-mail toqué a créé des milliers de nouveaux clients.

Quand vous réfléchissez à comment faire grossir votre business, c’est tentant d’essayer de penser à toutes les grandes idées, et les énormes plans d’actions qui vont changer le monde.

Mais sachez que c’est souvent les petits détails qui font vraiment vibrer quelqu’un suffisamment pour qu’il parle de vous à tous ses amis.

Le ciel du Titanic

Aujourd’hui sort sur nos écrans Titanic, en 3D. Je me passerais de commentaires sur cette mode. Mais ça m’a rappelé une interview rigolote vue récemment de Neil deGrasse Tyson, mon mème/astrophysicien/directeur du planétarium du Musée d’Histoire Naturelles de New York préféré (dont je vous avais déjà parlé). Il évoque la véracité scientifique des films de science fiction en général, et s’arrête sur un détail particulier du Titanic de James Cameron.

Dr. Neil deGrasse Tyson - Titanic 3D and Cameron "Wrong Sky"

Je dois avoir été l’une des dernières personnes au monde à avoir payé pour voir le film Titanic au cinéma. On n’était plus que cinq dans la salle à ce moment là. Tout le monde avait vu le film trois fois, je devais le voir au moins une fois.

Donc je regarde le film, et tout se passe bien. Ce film, pour rappel, avait été largement vendu comme reproduisant précisément les détails du bateau. James Cameron, le réalisateur, a loué un submersible pour aller jusqu’à l’épave du bateau et observer le design des murs, les motifs chinois et les salles de commande. Il a retranscrit tout ça dans son film. Voilà quelqu’un qui se soucie des détails. Donc je regarde le film. Le bateau coule. (Désolé, j’ai raconté la fin, au cas où certains ne savaient pas.)

On connaît le jour, l’heure, la longitude, la latitude, l’année. On sait tout sur quand et comment ce bateau a coulé. Et là il y a Kate Winslet, sur sa planche, qui chante en plein délire, pendant que son petit copain coule jusqu’au fond de l’océan… (Pourquoi est-ce qu’il n’a pas essayé de s’accrocher avec elle ? Vous croyez qu’ils n’auraient pas pu arrivé à trouver un moyen à deux ? Vraiment ?) … elle est là, elle regarde le ciel. Il n’y a qu’un seul ciel qu’elle aurait du regardé, et c’était le mauvais ciel. Pire encore, ce n’était pas seulement le mauvais ciel, mais la partie gauche du ciel était le miroir de la partie droite du ciel. Non seulement c’était faux mais en plus ça a été fait par un paresseux. Et là je me dis… c’est mal !

On connait tous le ciel. C’est notre jardin à tous (et si ça ne l’est pas, ça devrait l’être). Et pour quelques dollars vous pouvez acheter un programme de planétarium sur votre ordinateur, regarder le ciel à la date du naufrage du Titanic et vous rendre compte que ce n’est pas le ciel du Titanic de James Cameron.

Donc j’ai pris ma plus belle plume, et j’ai écrit une lettre à James Cameron, lui disant poliment : « Comment est-ce que tu as pu foiré le ciel ? ». Je n’ai eu aucune réponse.

Cinq ans plus tard, je fais parti d’une commission dont il fait également parti (d’ailleurs il a été conseiller pour la NASA pendant un moment – pas pour le ciel, mais pour d’autres trucs, comme de l’exploration). Et donc, je me trouve dans la même pièce que lui. Je me dis : « voilà une belle occasion ! ». Donc je lui dis : « Monsieur Cameron, je vous ai écris une lettre il y a quelques années », qu’il n’a jamais reçue, « saviez-vous que votre ciel est complètement faux ? On connait ce ciel, et tout le reste de votre film était si précis… ». Et il me réponds : « Je ne le savais pas. » En fait ça s’est passé en post-production. Et c’est tout ce qu’il m’a dit. J’étais totalement immature, et je voulais qu’il s’agenouille à mes pieds et qu’il implore mon pardon. Mais il ne l’a pas fait. Et donc je suis resté profondément insatisfait à cause de ça.

Trois ans plus tard, il reçoit une récompense du magazine Wired. Et ils ont loué MON planétarium pour lui remettre. Donc dans mon immaturité irrationnelle, je lui en parle à nouveau. Il se trouve que j’étais invité à dîner avec lui après l’événement. On n’était que huit, on buvait bien, l’ambiance était décontractée. Je lui dit « Jim » (parce que maintenant je peux l’appeler Jim), « je t’avais écris une lettre concernant ton ciel, le fait qu’il était erroné, comment tu avais pu faire ça… » Et il m’a répondu : « La dernière fois que j’ai vérifié, Titanic a généré 1,3 milliards de dollars de recette à travers le monde. Imagine combien il aurait pu générer si j’avais eu le bon ciel ! ». Ça me l’a bouclée, je ne pouvais rien répondre à ça. Je suis rentré chez moi, la queue entre les jambes.

Deux mois plus tard, je reçois un appel d’un type : « Bonjour, je travaille en post-production dans les studios  de James Cameron. On va sortir une version spéciale du film pour son dixième anniversaire, et il m’a dit que vous aviez un ciel qu’on pouvait utiliser. »

« YEEEEES ! »

Ce sont les petits détails qui font la différence.

Le design de Google

La semaine dernière, le Huffington Post a publié un compte-rendu sympathique d’un entretien avec Marissa Meyer sur le design de Google, et « Pourquoi la page d’accueil de Google.com est aussi simple« .

Mayer raconte que Sergey Brin lui expliqua pourquoi la page d’accueil était si vide. Quand il a commencé à créer Google, « Nous n’avions pas de webmaster et je ne faisais pas de HTML », lui a-t-il dit.

« Il a mis en place la plus simple page web qu’il pouvait pour tester le moteur de recherche quand il était étudiant en doctorat », dit Mayer pendant son entretien avec le journaliste du Bloomberg Businessweek Josh Tyrangiel. « La première version n’avait même pas de bouton de recherche parce que la touche entrée marchait aussi bien. C’était un peu par accident.  »

Mayer nota que les utilisateurs étaient initialement embrouillés par la pleine page blanche qu’ils trouvèrent sur Google.com. C’était à l’opposé de la plupart des sites de la fin des années 1990s qui « clignotaient, tournaient dans tous les sens et se rendaient eux-même compliqués. » Les gens n’arrivaient pas à comprendre comment utiliser le moteur de recherche car Google.com était trop simple.

Dans les premières études d’utilisateurs de Google, les étudiants de l’Université de Stanford devant faire une recherche sur Google restaient assis pendant 45 secondes en fixant leur écran, pas sûrs de ce sur quoi ils devaient cliquer ou comment faire une recherche », se rappelle Mayer.

« Je leur demandais, ‘Qu’est-ce que vous attendez ?’ « , dit Mayer. « Ils me disaient, ‘J’attends le reste de la page.’ La page d’accueil vide était tellement hors contexte en 1999 qu’ils attendaient que le reste de la page se charge. »

Google avait besoin d’un moyen de signaler à ses utilisateurs que la page était totalement chargée et prête à utiliser, expliqua Mayer. La solution ? Mettre en bas de la page une petite mention légale de copyright – une qui n’avait aucune valeur légale, mais dont le seul but était de suggérer que c’était OK de commencer à faire une recherche sur le web.

C’est un peu triste de voir l’état actuel de la page d’accueil de Google, régulièrement polluée par de l’auto-promotion (en particulier quand on la compare avec DuckDuckGo).

C’est l’histoire d’un bug

J’aime bien les histoires de bugs. TheDailyWTF est une mine d’or pour ça, mais j’aime beaucoup entendre de vive voix des développeurs raconter leurs propres expériences. Voici l’histoire d’un bug que j’ai rencontré il y a quelques mois. C’est le genre de bug qui une fois résolu, donne l’impression d’être David Caruso dans Les Experts : Miami, et donne envie d’enfiler une paire de lunettes de soleils en criant YEEAAAAHH à travers tout le bureau.

Quelques jours après le lancement d’un nouveau site e-commerce, le client me transfère le mail d’un de ses collègues qui rencontre un problème sur Internet Explorer. Sur la fiche produit, lorsqu’on ajoute un produit à son panier, la « div » qui s’affiche via une lightbox est coupée sur la droite.

Bizarre. Tout a bien été testé avant le lancement du site. Et même sur IE6, qui n’est pas censé être supporté, tout s’affiche correctement. Au risque de faire un peu cliché, je rassure le client en lui disant que « chez moi ça marche ». Je lui demande un peu plus de précisions sur la version d’Internet Explorer et le système d’exploitation utilisés, car sa capture d’écran envoyée ne laissait entrevoir que le contenu de la page qui posait problème.

D’après le client, le problème se produit bien sur IE8. Ça ne le fait pas sur son poste, mais il l’a bien vu sur le poste de son collègue. Et pire, sur le poste d’un autre collègue, sous IE7, l’overlay de la div s’affiche au-dessus de tout le contenu du site et de la div elle-même. Et le service de la relation client téléphonique confirme également avoir reçu des appels de clientes perdues devant leur ordinateur à cause de ce problème.

Mince alors ! On a pourtant bien testé le site dans tous les sens, sur les différents postes de la boîte sous différentes configurations. De mon côté, j’utilisais une machine Virtuelle sous Windows 7 avec IE9 d’installé. J’utilisais le « Mode de compatibilité » d’IE pour tester le rendu du site sous les différentes versions d’IE. Je sais que ce mode n’est pas 100% fidèle aux vraies versions du navigateur, mais pour ce genre de problème qui touche surtout à des styles, ça fonctionne d’habitude très bien.

Les jours ont passé et je ne vois pas trop comment trouver une solution. Je propose au client d’y jeter un oeil la prochaine fois que je leur rendrais visite dans leurs locaux. Mais c’est embêtant… Plusieurs personnes rencontrent ce bug, de manière systématique, et pas moi.

Tracassé, je décide le week-end qui suit de ressortir un vieux PC chez moi sur lequel je sais que j’ai un IE7 d’origine installé sous Windows XP. Je commence par tester sur le serveur de test du site. Rien. Je teste en ligne. Et là, miracle ! J’arrive à reproduire le problème ! C’est drôle comme la reproduction d’un bug peut être une grande satisfaction pour un développeur.

C’est l’heure de sortir ma loupe de détective et enfin de pouvoir commencer mon enquête. Sur le site en ligne, je remarque que j’ai des règles de styles supplémentaires qui apparaissent. Ces règles proviennent… de la page d’erreur 404 du site.

Après inspection des ressources appelées par la page sur IE, je me rends compte que le site fait appel à un fichier « ie.css ». C’est surement une petite délicatesse mise à ma disposition par le développeur du site. Sauf que, ne m’ayant rien dit, et n’ayant pas l’utilité d’un tel fichier, je n’avais pas créé le dit fichier sur le serveur. Du coup, la page du site faisait appel à une CSS qui renvoyait en fait la page 404 du site. Or, sur les anciennes versions d’IE, les styles présents dans une page 404 étaient interprétés dans la page courante. Les styles de la page 404 rentraient donc en conflit avec ceux de la fiche produit. Ce bug, présent sur IE7 sous Windows XP SP1, avait été corrigé dans les versions suivantes sous Windows XP SP2. Il n’apparaissait pas dans le mode de compatibilité d’IE7 sous IE9 car il s’agit d’un problème lié au chargement des ressources d’IE, et non à son moteur de rendu. Et le bug n’était pas présent sur le serveur de test, car sur ce serveur la page 404 appelée était celle par défaut du serveur et ne contenait aucun style.

Il ne me restais alors plus qu’à créer ce fichier, et passer le tout en ligne. L’affaire était résolue, et je pouvais désormais crier de joie à travers tout le bureau.

Les experts à Miami, version CSS