Savoir abandonner ses idées
Le week-end dernier j’ai regardé cette conférence Post Mortem des scénaristes de Portal 2 (Chet Faliszek et Erik Wolpaw) datant de mars dernier à la GDC. Si vous avez aimé Portal 2, c’est vraiment une chouette conférence à voir (attention par contre, c’est plein de spoilers). Ce qui m’a particulièrement plu, c’est qu’ils ne parlent pas vraiment de leurs secrets de fabrication et de comment ils ont imaginé telle ou telle partie du jeu. Mais plutôt, ils parlent de toutes les idées qu’ils ont eu, qu’ils ont développé et qu’ils ont fini par abandonner. J’ai particulièrement aimé ces exemples de fausses fins (à 35 minutes dans la vidéo) :
A un moment, tôt dans la production, nous avions eu l’idée de disperser à travers le jeu des fausses fins. Ça nous est venu en regardant les sessions de tests de Portal 1. Il y a un moment aux environs des 2/3 du jeu où vous avancez sur une plate-forme qui se dirige vers un incendie. Vous êtes supposé vous en échapper et c’est là que vous rentrez en coulisse. Mais pour un petit pourcentage de testeurs, ça leur convenait parfaitement de rester sur la plate-forme et finir dans les flammes. C’était une bonne fin pour eux. C’était triste, mais ils aimaient ça. Ça finissait juste avec eux qui mourraient.
Alors on s’est dit qu’on pourrait faire plaisir à ces gens, et on avait disséminé à travers le jeu des endroits où Chell mourrait, ce serait la fin et on jouerait une chanson. Et si vous vouliez, vous pouviez vous arrêter là.
On en avait une au bout de quelque chose comme 2 minutes de jeu. Si vous mourriez là, il y avait une chanson (que Jay et moi chantions) qui passait en revue ces 2 premières minutes, et ce qu’il venait de se passer.
Puis plus tard dans le jeu, il y avait un passage où il y avait une fissure au plafond où vous pouviez voir la Lune. Vous pouviez placer un portail sur la Lune, et si vous en placiez un sur le mur, ça vous aspirait directement sur la Lune et vous vous asphyxieriez tout en écoutant une chanson triste sur la Lune. Et celle-ci marchait plutôt bien. Pour les gens qui la trouvaient, ce qui n’était qu’un petit pourcentage de nos testeurs, ils l’aimaient vraiment beaucoup.
Mais finalement on a laissé tomber ces fins alternatives. En partie parce que ça représentait beaucoup de travail pour peu de résultats. Mais aussi en partie parce qu’en dehors de ces deux fins, on avait un peu surestimé combien de fausses fins vraiment bonnes on pourrait arriver à imaginer.
Lors de la conception d’un projet, tout le monde va avoir des petites idées. C’est important de pouvoir expérimenter et tester ces idées et ces nouveaux concepts. Mais s’ils ne fonctionnent pas vraiment, ou pas aussi bien qu’on l’avait imaginé, c’est important de savoir abandonner ses idées. C’est difficile à faire, que ce soit parce que c’était une idée qui nous tenait personnellement à coeur, ou parce qu’on a passé beaucoup de temps à l’implémenter pour la tester. Mais il est toujours préférable d’avoir un produit avec une seule grande direction, plutôt que pleins de bonnes petites idées dispersées.