L’enquête

Il y a quelques semaines, j’ai découvert l’histoire de Ronald Opus. C’est l’histoire d’une enquête sur un meurtre racontée par Don Harper Mills (alors président de l’Académie Américaine des Sciences Médico-légales) en 1987 lors de l’ouverture d’un banquet. Attention, accrochez-vous bien.

Le 23 mars 1994, un médecin légiste examina le corps de Ronald Opus and conclut qu’il était décédé d’une blessure par balle à la tête causée par un fusil de chasse. Jusque là, l’enquête avait révélé que le défunt avait sauté du haut d’un immeuble de dix étages avec l’intention de se suicider. (Il avait laissé une note indiquant son désespoir.) Alors qu’il passait devant le 9ème étage au cours de sa chute, sa vie a été interrompue par un tir de fusil de chasse à travers la fenêtre, le tuant instantanément. Ni le tireur ni le défunt n’étaient au courant qu’un filet de sécurité avait été érigé au niveau du 8ème étage pour protéger des laveurs de vitres, et que le défunt n’aurait très certainement pas pu réussir son suicide à cause de cela.

D’ordinaire, une personne qui commence les événements avec l’intention de se suicider parvient finalement à se suicider même si la façon de faire n’est pas celle qu’il avait prévu. Le fait qu’on lui ait tiré dessus en chemin vers une mort certaine 9 étages plus bas ne change probablement pas la cause de sa mort d’un suicide en un homicide. Mais le fait que son suicide n’aurait pas pu être mené à bien a poussé le médecin légiste à déclarer qu’il avait un homicide sous la main.

La poursuite de l’enquête mena à la découverte que la chambre du 9ème étage, d’où le tir de fusil a été émis, était occupée par un vieil homme et sa femme. Il la menaçait avec le fusil à cause d’une dispute conjugale, et il était tellement en colère qu’il n’arrivait pas à tenir l’arme droite. Ainsi, quand il a appuyé sur la gâchette, il a complètement raté sa femme, et les balles de plomb ont traversé la fenêtre, touchant le défunt.

Quand une personne projette de tuer un sujet A mais tue un sujet B lors de sa tentative, celle-ci est coupable du meurtre du sujet B. Le vieil homme était confronté à cette conclusion, mais lui et sa femme étaient catégoriques en déclarant qu’aucun d’eux ne savait  que le fusil était chargé. C’était une vieille habitude du vieil homme de menacer sa femme avec un fusil déchargé. Il n’avait aucune intention de la tuer. Ainsi, le meurtre du défunt est apparue comme accidentelle. C’est-à-dire que l’arme a été accidentellement chargée.

Mais la poursuite de l’enquête a fait apparaître un témoin déclarant que leur fils a été vu en train de charger l’arme approximativement six semaines avant l’accident fatidique. L’enquête montra que la mère (la vieille femme) avait arrêté de supporter financièrement son fils. Et son fils, connaissant la propension de son père à utiliser le fusil de chasse de manière menaçante, a chargé l’arme en prévision que le père tirerait sur sa mère. L’affaire devient maintenant un meurtre, de Ronald Opus par le fils.

Maintenant voici la touche exquise. La poursuite de l’enquête révéla que le fils était devenu de plus en plus déprimé par l’échec de sa tentative de faire tuer sa mère. Cela l’a poussé à sauter de l’immeuble de dix étages le 23 mars, mais à être tué par un tir de fusil de chasse à travers une fenêtre du 9ème étage.

Le médecin légiste classa l’affaire comme un suicide.

Cette histoire, reprise dans le film Magnolia ou un épisode des Experts:Miami, ne s’est pas réellement produite. Don Harper Mills l’a inventée pour montrer l’importance d’avoir toutes les informations, et la différence que cela peut produire.

Mais cette anecdote m’a rappelé mon histoire d’un bug, et plus généralement la difficulté de résoudre un bug sans avoir toutes les informations à sa disposition. Comme je l’écrivais en commentaire d’un très bon article de Nicolas Hoffmann :

Un cas courant que je rencontre qui illustre bien ce problème, ce sont les chefs de projet qui m’envoient une capture d’écran d’un problème recadrée uniquement sur la partie de la page où le problème apparaît. Ça part d’une bonne intention, mais c’est particulièrement gênant car ça m’empêche de comprendre ce qui se passe réellement. Avec une capture d’écran complète, je suis capable de déterminer l’OS de test, le navigateur, la version de navigateur (a peu près), et tout autre phénomène extérieur pouvant jouer un rôle dans l’apparition du bug. J’ai déjà eu plusieurs fois des remontées de bugs qui provenaient en fait de la présence d’un plugin dans le navigateur (Skype, AdBlock, ou Flash).

Être un bon intégrateur, c’est aussi être un bon détective.

  1. Tanguy Martin, le

    Cela pourrait s’appliquer pour n’importe quel métier de développeur/testeur en général je pense.

    Il y a d’ailleurs un site pour avoir les infos sur son navigateurs etc.: http://supportdetails.com/. Peut-être limité car il ne liste pas les plugins installés, entre autres, mais toujours utile pour savoir rapidement la config d’un client.

    Joli article

  2. Horo, le

    Dans le web on tombe très souvent sur le même coupable, j’ai nommé, Internet Explorer !

    Ton article est vraiment sympa.