« No one expects the lady code troll »

Entre deux expériences en ligne bizarres, Jenn Schiffer est l’auteure de CSS Perverts, un blog satirique sur le développement Web. Dans cette conférence (vue sur Twitter), elle partage son retour de l’écriture d’articles techniques satiriques, et surtout les retours parfois violent qu’elle reçoit. C’est vraiment drôle, tant sur le fond que la forme, et ça donne à réfléchir.

Jenn Schiffer, Engineer/Artist - XOXO Festival (2016)

Elle revient notamment sur un tweet de Jeffrey Zeldman dénonçant son article (pris au premier degré) qui déclencha une vague de retours.

À cette époque, peu de gens passaient du temps à se moquer d’à quel point notre industrie est ridicule quand il s’agit de se prendre au sérieux. Ou des ramifications quand vous oubliez que vous avez des centaines de milliers de followers et que peut-être que lorsque vous publiez quelque chose comme ça, les gens vont s’amonceler et en rajouter encore davantage. Beaucoup de gens avec un auditoire, parfois moi-même, restent étrangement inconscients de ce pouvoir.

J’avais déjà raconté une anecdote m’étant arrivée à ce sujet. J’essaie d’appliquer au jour le jour la maxime « Arrêtez de rendre des gens stupides célèbres ». Si je vois un article que je trouve stupide (comme récemment un article présentant comme la bonne façon de faire du responsive en créant des dizaines de points de rupture par appareils, et non par le contenu comme on le rabâche depuis cinq ans), je ne le partage pas. Non pas parce que j’ai la prétention de croire que tout est à jeter, il y a souvent quelque chose d’intelligent même dans l’article le plus naïf, mais parce que je crains la réaction d’autres.

Le reste de sa conférence est vraiment tout aussi bien, sur l’inclusivité dans notre industrie et comment ne pas réagir comme un idiot aux contenus créés par d’autres en ligne.

  1. Marie Guillaumet, le

    Je viens de regarder cette vidéo (heureusement qu’il y a des sous-titres, car Jenn Schiffer parle vite !), et je tiens à te remercier de l’avoir partagée. Je me permets de réagir un peu, à titre personnel. Je suis d’ailleurs surprise d’être la première personne à commenter !

    Déjà, cette conférence est une excellente leçon, niveau « comment donner une conférence captivante » : j’ai ri, j’ai été émue, j’ai pris des notes car cela m’a donné des idées. Cela faisait bien longtemps que je n’avais pas entendue une conf issue du milieu tech qui me touche autant ! (Plus le temps passe, plus je suis avide de retours d’expérience, et moins les confs purement techniques m’intéressent, de toute façon.)

    Mais ce que je trouve épatant dans cette présentation, c’est le fait que Jenn Schiffer réussisse à sensibiliser les gars qui l’écoutent au sexisme dans la communauté tech, avec beaucoup de finesse.

    Elle évoque notamment des situations que j’ai déjà vécues ou dont j’ai été témoin direct, en particulier :

    – quand elle évoque les gars jaloux de sa visibilité, précisément parce qu’elle est une femme ;

    – quand elle parle de ses amies et consœurs qui ne sont pas surprises par les réactions agressives récoltées par ses articles satiriques, tellement le caractère toxique de notre communauté est important et qu’on y est habituées, en tant que femmes ;

    – quand elle nous encourage à garder de la distance vis-à-vis de notre métier et de notre communauté, pour éviter d’être trop touché·e par les remarques bêtes et méchants qu’on peut se prendre dans la tronche quand on est soi-même un créateur ou une créatrice de contenus ;

    – et enfin, quand elle nous exhorte tous – en particulier les hommes blancs cis vis-à-vis des femmes et des hommes non blancs et non cis – à faire preuve de bienveillance au sens large, et de ne pas harceler, ni dénoncer les autres publiquement, en particulier.

    Cette conférence m’encourage à agir, notamment en continuant à prendre la parole en tant que femme dans cette communauté (ce qui demande pourtant bien du courage, même quand tu ne parles pas directement de féminisme !), et en continuant à encourager les personnes autour de moi qui ont envie de prendre la parole mais n’osent pas, précisément à cause de la sale ambiance qui règne dans notre communauté – pour qui veut bien voir plus loin que les évènements et articles « bisounours » qui, finalement, concernent bien peu de gens, et ne concernent que la frange privilégiée des artisan·e·s du web.

    Je digresse un peu, mais tant pis : il faut dépasser l’entre-soi qui ronge notre communauté et la tire vers le bas, et je pense que ça passe notamment, comme le dit très justement Jenn Schiffer dans sa conclusion, par le fait de cultiver son propre jardin, puis d’apporter cette richesse dans notre communauté, en partageant avec les autres ce que ces expériences personnelles nous ont appris.

    Le piège serait de continuer à rester bloqués sur nos écrans, à lire les mêmes blogs, les mêmes articles, écrits par les sempiternelles mêmes personnes, à écouter les mêmes orateurs parler sur les mêmes sujets pendant les mêmes évènements, à fréquenter et à suivre les mêmes personnes, à ne faire et à ne penser qu’à notre boulot, etc.

    Que les « seniors » de notre communauté prennent tout juste conscience qu’ils sont trop présents sur le devant de la scène, c’est un premier pas ; maintenant ce qu’il faut, c’est justement encourager les personnes qui ont moins d’expérience et/ou de visibilité, ou qui n’en ont pas du tout, à prendre la parole, en leur permettant de le faire dans de bonnes conditions, c’est à dire au sein d’un environnement mixte, inclusif, accessible et bienveillant.