Le skeuomorphisme

Le skeuomorphisme est le principe d’imiter dans un objet un détail de conception qui n’est plus nécessaire, mais qui était indispensable autrefois. On trouve de nombreux exemples dans la vraie vie, comme l’imitation de rainures de bois sur des meubles en plastique, ou l’imitation du son de fermeture de l’obturateur sur un appareil photo numérique compact ou bridge. En informatique, on rencontre chaque jour pleins d’exemples. Le plus classique est l’utilisation d’une disquette comme icône de sauvegarde de documents.

Cet article de aKa chez FramaBlog nous rappelle également de manière amusante pourquoi les touches de nos claviers sont disposées ainsi :

Un beau matin de 1868, alors que les États-Unis résonnent encore des canons de la guerre de sécession, un bricoleur du Wisconsin du nom de Sholes invente la première machine à écrire. Sans se poser trop de question, il place logiquement les touches par ordre alphabétique.

Chaque touche appuyant sur une barre métallique horizontale qui ne peut pas frotter contre ses voisines, Sholes se voit dans l’obligation de décaler les rangées de touches, décalage qui est encore présent, sans aucune raison autre qu’historique, sur votre clavier, voire même sur les claviers virtuels des tablettes et des écrans tactiles !

Les champions du skeuomorphisme ces dernières années, ce sont Apple, qui usent et abusent d’effets skeuomorphiques dans leurs logiciels.

Le carnet d'adresse, imitation cuir, chez Apple

L’année dernière, James Higgs exprimait son mépris pour cette nouvelle tendance :

Il va sans dire que ma préférence va pour le design sans décoration, certainement sans un soupçon de sentimentalisme, et que je déteste ces nouvelles applications. Pourquoi ?

Pour faire simple : parce que ce sont des mensonges. Elles tentent de nous réconforter en essayant de nous montrer comment elles sont liées aux objets physiques du monde réel alors qu’il n’y en a pas besoin. En quoi sommes nous aidés à comprendre ce que fait l’application Localiser mes amis en y ajoutant des décorations en cuir ? Et à quel point ça peut être difficile pour quelqu’un, même un nouveau venu dans le numérique, de comprendre une liste de livres ? Est-ce que c’est si difficile, que la seule façon de le faire comprendre est de les présenter sous forme d’une bibliothèque en bois ?
C’est à mon avis un bon exemple d’une utilisation trop poussée de skeuomorphe. Mais la semaine dernière, Tobias Ahlin expliquait à travers un article rempli d’exemples en quoi le skeuomorphisme permet de renforcer l’histoire que vous souhaitez raconter avec votre application. Mon exemple préféré est celui de l’application Photo Booth.

Sur Snow Leopard, Photo Booth ressemblait à ça :

Photo Booth sous Mac OS Snow Leopard

Puis est arrivé Lion, et son mode plein écran. Et voici venir le train du skeumorphisme :

Photo Booth en plein écran sous Mac OS Lion

Boom ! Des rideaux. Des panneaux en bois. Des boutons en métal. Vraiment, Apple ?

Encore une fois, regardons l’utilité de Photo Booth : prendre des photos, enregistrer des vidéos, et leur appliquer des filtres. La première version de Photo Booth rendait tout cela très facile et accessible. Par contre, elle ne communiquait pas le but de Photo Booth : faire l’idiot et s’amuser. Laissez-moi vous présenter un exemple :

Grandparents Discover Photo Booth

Photo Booth est un jouet numérique. La première version de Photo Booth, bien que très propre et fonctionnelle, ne ressemblait pas à un jouet. Ce n’était pas amusant, et ça ne vous encourageait pas à jouer avec. Avec le nouveau mode plein écran, Apple utilise le skeuomorphisme pour inviter ses utilisateurs à s’amuser.

Le skeuomorphisme sert à communiquer et à renforcer des sentiments, à aider une application à devenir une expérience mémorable, et pas juste un outil. Ça aide à communiquer sur le but d’une Interface Utilisateur, et pas seulement sur les fonctionnalités qu’elle propose.

  1. Thomas, le

    Article très sympa.

    Dans le cas de l’application « Photo Booth », le skeuomorphisme est très important.

    Mais souvent dans les produits appel, notamment tactile, le produit recherche d’abord à imiter l’usage réel. Comme par exemple le fait de pouvoir tourner les pages ou le son de l’appareil photo.
    Dans ces cas-là, je miserais plus sur l’effet diligence : http://internetetmoi.fr/blog/leffet-diligence/
    Si c’est le cas, on peut espérer que ce genre de pratique diminue avec l’acceptation de ces nouveaux usages par le public.

    Bon week-end,
    Thomas.

  2. Alex, le

    Oui trés sympa, mais pour moi , le fait que nos claviers soit comme ils sont actuellement dépend plutot de la théorie de dépendance au sentier (http://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9pendance_au_sentier) qu’au skeuomorphisme.

  3. Loic, le

    Article et commentaire intéressant ! J’ajouterai aussi une règle que l’on nomme l’affordance en ergonomie. Le terme est plutôt anglo saxon, mais pour résumer, un objet graphique doit avoir l’air de ce qui l’est !
    Un bouton doit avoir un aspect bouton pour que l’utilisateur comprenne qu’il faut cliquer dessus. Donc je suis d’accord avec Apple qui donne du sens à la fonction de ses applications par leur représentation.

    L’ergonomie s’enrichit de l’usage … donc un clavier virtuel doit avoir l’aspect d’un clavier sinon la totalité des utilisateurs seront déstabilisés.

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