La publicité n’est pas le modèle économique du Web

Aujourd’hui, Brendan Eich (co-fondateur de Mozilla et créateur de JavaScript) a présenté sa nouvelle société et un nouveau navigateur basé sur Chromium : Brave. Et j’ai tiqué en lisant une partie de son annonce.

Tout le monde parle du blocage de publicité. Les bloqueurs peuvent rendre l’expérience utilisateur du Web bien meilleure. Mais comme l’a noté Marco Arment, ça ne semble pas juste pour de nombreuses personnes. C’est comme du parasitisme, ou même comme le début d’une guerre. Vous ne cliquez peut-être jamais sur une publicité, mais même réaliser l’affichage d’une publicité peut avoir une petite valeur. Avec suffisamment de personnes qui bloquent des publicités, le modèle de financement principal du Web est en péril.

Selon moi, la publicité n’est pas le modèle économique du Web. À vrai dire, je pense que le Web n’a pas de modèle économique. Dire que la publicité est le modèle économique du Web, c’est comme dire que la prostitution est le modèle économique de l’Amour.

Cependant, certaines sociétés ont effectivement fait le choix de la publicité comme principal modèle économique sur le Web. C’est le cas notamment de certains sites de presse, dont le financement tient désormais à un énième article sur Nabilla, Apple, ou je ne sais quel sujet qui va pouvoir générer un maximum de pages vues. D’autres ont toutefois eu le courage de dire merde à la pub.

Ça va faire près de vingt ans que j’ai accès au Web. Et quasiment autant de temps que j’écris, partage, et publie gratuitement du contenu en ligne. Je n’ai pas vraiment de modèle économique dans tout ça. Je le fais parce que ça me plaît. Je le fais parce que j’apprends du retour des autres. Je m’enrichis, mais pas financièrement. Et ça vaut largement la quarantaine d’euros annuelle en hébergement que me coûte ce présent blog.

Et je crois que depuis le début, ce qui m’a toujours plu dans le Web, c’est de lire le blog de monsieur et madame tout le monde. De lire une page écrite par quelqu’un il y a des années. C’est ce « petit tricot universel », comme le dit si bien Marie Guillaumet, auquel chacun peut participer, que ce soit à travers un tweet, un article, une vidéo, une chanson…

Je fais le rapprochement de tout ça avec ce dernier article de Mike Monteiro sur les quinze ans de Wikipedia.

Un bourdon ne peut pas voler.

On m’a énoncé ce fait par les soeurs de Saint Joseph en grandissant à l’école catholique. Comme de nombreux autres enfants. C’est dit comme un témoignage de Dieu au dessus de la science. Selon l’histoire, les scientifiques et experts en aérodynamisme se sont rassemblés, ont fait des calculs et ont réalisé qu’avec sa masse et son envergure, un bourdon n’était pas capable de générer la poussée nécessaire pour s’élever. En d’autres termes : un bourdon ne peut pas voler. Il est trop gros et ses ailes sont trop petites.

Wikipedia ne peut pas exister.

Une collection du savoir humain. Rassemblée par les humains. Pour les humains. À travers le monde. De manière décentralisée. Une organisation à but non lucratif auto-policée fondée par la bonté des autres. Impartiale. Et construite sur un wiki. Où chaque décision est infiniment débattue en comité. En d’autres termes: Wikipedia ne peut pas exister. C’est trop ouvert et ça ne rapporte pas d’argent.

Sauf que ça existe. Et ça existe depuis quinze ans. Quinze merveilleuses années d’humains rassemblant l’histoire de tout ce que l’on sait, de sorte à ce que d’autres humains ne l’oublient pas. Quinze ans de gestion de notre mémoire collective. Quinze ans où l’on s’assure que l’on puisse raconter nos propres histoires. Quinze ans où votre voie a autant d’importance que celle d’un autre. Quinze ans où le peuple rassemble l’histoire du peuple. 28% de la planète vivant aujourd’hui n’ont jamais connu un monde sans Wikipedia.

C’est l’histoire de Twitch Plays Pokemon encore et encore.

Il y a une réplique dans Scrubs où le Dr. Cox dit :

Je suis sur pratiquement sûr que si on enlevait tout le porno sur internet, il ne resterait plus qu’un seul site web, et il s’appellerait « Qu’on nous ramène le porno ! ».

Je suis pratiquement sûr que si on enlevait toute la publicité du Web, il resterait plein de sites très bien.

  1. Thomas Ruffier, le

    Évidemment que la publicité n’est pas le seul modèle économique du web.
    Ton site est gratuit et sans pub, tu ne peux donc pas te prendre en exemple. Ru ne cherches pas à vivre de ton blog.
    Mais de nombreux sites demandent des personnes à plein temps, et tous ne peuvent pas être payants. Facebook, par exemple, ne marcherait pas en étant payant, son intérêt vient du fait que tout le monde est dessus.

  2. Leo, le

    Article intéressant.

    On peut vivre d’un site sans publicité, ça s’appelle le contenu payant: il n’y a pas besoin de pourrir l’UX avec 40% d’espaces publicitaires (voir pire: la pub plein écran qui s’affiche juste au moment où pense cliquer sur un lien).

  3. Martin, le

    Leo, je suis d’accord avec toi: certains sites de prostituent et gavent leur lecteurs de pubs.
    Pour ma part, j’ai travaillé avec ma designeuse pour que les pubs sur mon site de presse ne gâchent pas l’ux et qu’elles apparaissent après le contenu. Cependant, de plus en plus de nos lecteurs utilisent des blogueurs de pubs et nous nous retrouvons à un stade où nous avons plus de visites et moins de rentrées d’argent..
    si nous passons payants, les lecteurs vont très sûrement déserter, si nous mettons de la pub, ils la bloquent ou se plaignent… Si tout le monde jouait le jeu, on pourrait peut être avoir ce web « gratuit » dont nous rêvons tous.

  4. mulk, le

    100% d’accord…
    Le web a démarré et a eu une croissance phénoménale en premier lieu sans besoin de rentabilité.
    J’avais lu quelque part que le web était une des rare invention « moderne » qui, venu d’abords de la recherche (Stanford, etc…), a conquis le public (jusqu’au milieu des années 90) avant d’intéresser les investisseurs.

    Honnêtement, la pub, même si on ne clique pas dessus et on ne la regarde pas, faut pas oublier qu’elle est également à l’origine de la crise d’obésité des sites web (voir l’article lundi 4 janvier, ici même…).

    Et puis merde, si le web ne générait pas quelques révolutions (ici, un modèle économique ancien qui s’écroule), ce ne serait plus du « Ouaib », nan?

    Et pour ceux qui râlent parce-qu’il y a de nombreux blogueurs qui sont en train de perdre leur sources de revenu principale à cause de ça… Etes-vous aussi monté aux barricades à chaque fermeture d’imprimerie « à cause du web » ?

  5. didi, le

    @martin :

    j’aime beaucoup votre approche et il ne faut pas hésiter à expliquer le pourquoi des pubs : votre choix de les rendre non intrusive et demander aux gens de passer en liste blanche votre site.

    j’utilise un adblocker mais j’ai énormément de sites que j’apprécie pour lesquels il est désactivé parce que justement :

    – Ces sites sont de qualité
    – ils ont réfléchi à une intégration de la publicité qui ne soit pas trop nuisible

  6. Fabien Branchut, le

    « Dire que la publicité est le modèle économique du Web, c’est comme dire que la prostitution est le modèle économique de l’Amour. »

    Bonjour le troll… Cette métaphore est absurde et dénuée de sens.