130 heures par semaine

Ce mois-ci, le magazine Entrepreneur a publié un article expliquant comment Marissa Mayer, la Vice Présidente des services locaux de Google, tenait le coup avec ses équipes en travaillant 130 heures par semaine :

Quand Mayer soupçonne un employé de s’épuiser, elle leur demande de trouver leur rythme. Et ils reviennent avec une demande, « Je dois être à la maison pour les dîners tous les mardi », ou « Je dois être à l’heure pour être aux matches de football de ma fille ». Elle concède à ses demandes, sans exception.

« Vous ne pouvez pas avoir tout ce que vous voulez », avertit Marissa. « Mais vous pouvez avoir les choses qui comptent vraiment pour vous. Ça vous permets de travailler vraiment dur pendant une longue période sur quelque chose qui vous passionne. »

Initialement, j’avais réagi sur Twitter en faisant une bonne blague bien grasse. Mais cet article est complètement dingue, et ce n’est pas très drôle.

130 heures par semaine, ça fait plus de 18 heures par jour, 7 jours sur 7. 18 heures par jour, ça vous laisse 6 heures pour dormir, manger, vous laver, vous divertir, voir votre famille, voir vos amis, vous évader. 6 heures par jour pour vivre.

En travaillant 130 heures par semaine, même à un salaire de 7000€ par mois, vous gagnez moins qu’en travaillant 35 heures par semaine pour 2000€ par mois.

Je travaille en tant qu’intégrateur depuis 6 ans. Je suis entrepreneur depuis 4 ans. J’aime mon travail. J’aime ma boîte. Mais s’il y a bien quelque chose que j’ai appris, c’est qu’il y a un équilibre à trouver. Il faut travailler pour vivre. Pas l’inverse. Peu importe le projet sur lequel vous travaillez, peu importe la mission dont vous vous sentez investi.

J’ai déjà travaillé plus de 100 heures par semaine. J’ai déjà travaillé plus de 35 heures en 2 jours. Je n’en garde aucun bon souvenir ni aucun enrichissement personnel. Il m’arrive encore de travailler un peu plus le soir, voire le week-end, quand j’ai des projets qui me plaisent particulièrement. Mais quand ça arrive, je considère que c’est un échec. Je trouve ça choquant de se vanter ainsi, et qu’une revue vante ces pratiques de travail sans aucun commentaire.

Ce genre d’histoires n’est pas spécifique à Google ni à Apple. C’est une parfaite illustration de la théorie espagnole, dont je vous parlais il y a quelques mois. Ça m’attriste de voir que des journalistes s’acharnent à dénoncer les conditions de travail d’ouvriers chinois, alors les « ouvriers » occidentaux ne sont pas mieux lotis.

  1. Tim, le

    S’il y avait le bouton, j’aurais liké. Rien à ajouter si ce n’est que j’appuie ton avis à 100%.

  2. Nicolas Cava, le

    Je suis entièrement d’accord avec ce que tu dis à propos de cette auto-valorisation concernant les heures de travail effectuées. C’est clairement un choix de vie pour cette personne. Les sportifs de haut niveau ont ce genre de pratique, où toute leur jeunesse tourne autour de leur sport : leur temps libre, leur santé, leur régime, etc.

    Chaque personne est libre de faire ce qu’elle souhaite, du moment qu’elle en assume les conséquences et qu’elle ne met pas en péril la vie des autres (sa famille par exemple). Je trouve ça bien qu’une personne se dévoue à sa passion, maintenant, il y a des contraintes, et il faut savoir s’imposer des limites. Il faut surtout que ce choix ne soit pas imposé par autrui, sinon dans ce cas c’est de l’esclavage.

    Par ailleurs, ce que je trouve anormal par contre, c’est que l’employeur en l’occurrence Google ne tempère pas cette jeune femme, parce que quoi qu’on en dise, ils ont une part de responsabilité dans cette histoire, et sa santé est mise en jeu sur le long terme.

  3. Bartdude, le

    Euh… ouais… en même temps, on fait rarement de grandes choses en comptant ses heures. Comme tu dis, c’est une question d’équilibre, mais tout dépend de ce que tu mets dans la balance ! Certains y mettent leur job, leur salaire, leur vie de famille, d’autres y mettent leurs ambitions et ça fait parfois un sacré poids à équilibrer avec de très grosses heures de boulot.
    Sur le fond, je suis assez d’accord avec toi et préfère l’équilibre que m’apporte le statut d’employé, mais chacun son truc après tout !

    Quant à ta conclusion, je la trouve assez gonflée… Si il y a bien quelque chose d’attristant, c’est d’estimer que la condition des ouvriers chinois n’est finalement pas pire que celle des « ouvriers » occidentaux. Car ne soyons pas naïf, en occident personne ne fait 130 heures/semaine pour le plaisir : on peut souvent espérer et parfois même recevoir une belle gratification pour un tel dévouement. En chine par contre, j’ai un très gros doute !
    Surtout si tes guillemets étaient là pour considérer les travailleurs du web comme des ouvrier moderne… Beaucoup d’ouvriers chinois aimeraient je pense pouvoir prendre des congés, des pauses (clope/pipi/facebook/…), etc… bref, il convient quand-même de relativiser, et heureusement les journalistes qui dénoncent les conditions de travail en chine le font !

  4. Nico, le

    A l’extrême-rigueur, ça ne me dérange vraiment pas de faire exceptionnellement des heures supp’ pour un bouclage de site (et pas par une mauvaise organisation), je l’ai déjà fait par le passé.

    En 2010, je faisais la plus grosse refonte que j’ai jamais faite, ça m’a fait exploser le compteur d’heures supp’ (sachant qu’en Suisse, la semaine est déjà à 42H)… ok, c’est sympa, mais je n’ai plus envie de le faire.

    M’investir pour mes connaissances à côté qui vont servir mon job parce que j’en ai envie, ça ne me dérange pas, je le fais continuellement, et ça va surement chercher un nombre monstrueux d’heures (en veille techno, en tutos, article, conférences, etc.), mais vivre uniquement pour le job… non.

    Autant il y a quelques années, je mêlais pas mal le temps au travail au temps privé (consulter les mails du boulot à la maison, etc.), maintenant, c’est tout au plus une fois par année et encore. Une bonne séparation permet d’être plus performant, j’ai remarqué que j’étais bien plus productif en cloisonnant les deux.

  5. Christophe, le

    Stakhanovisme à l’occidentale ?

  6. bertrandkeller, le

    Et, on ne parle jamais du travail caché quand on rentre à la maison. Les femmes modernes sont très exigeantes.

    Si on ajoute les courses, les repas, l’organisation des vacances, les cadeaux d’anniversaire, Noël, Saint Valentin… voire s’occuper des enfants (un comble pour un homme, alors que c’est pas son rôle), ça peut faire plus de 15 heures de boulot par jour ; week-end compris lorsqu’on reçoit des invités.

    Tout ça sans cotiser un sous pour la retraite.

  7. Hervé, le

    Ce qui est dingue c’est de devoir demander la permission pour rentrer chez soi et tout simplement vivre !

  8. Romain, le

    Je fais entre 14 et 17 heures par jours, 6 j sur 7: entre 84 et 102 heures par semaines donc !

    Pourtant je ne considère pas cela comme un échec … bien au contraire !
    J’ai la chance dans la vie d’apprendre et de faire quelque chose qui me passionne. Peu importe le nombre d’heures ça sera toujours mieux qu’un 35 ou l’en s’ennui à mourir !

  9. Aurélien, le

    Que gagne-t-on en travaillant ?

    Sujet du bac 2012.

    Des pistes de réponses :
    http://www.dissertationsgratuites.com/sujets/que-gagne-t-on-a-travailler/0

  10. Rodleg, le

    Que dire d’autre a par que je suis à 200% (si tant est que ce soit possible) d’accord avec toi.
    le faire, s’en vanter ou s’en faire le relai est juste honteux!

  11. Bartdude, le

    Rodleg> Il faudrait vraiment sortir de la mentalité franchouillarde des 35 heures, quand-même… tu peux ne pas adhérer au propos, mais je ne vois pas ce qu’il a de honteux dans la mesure où cette dame semble avoir fait les mêmes sacrifices que ses employés.

    De plus, si le bien-être au travail n’était qu’une question d’horaires, ca se saurait ! J’ai bossé dans une banque avant de bosser en agence : horaires super cools (moins de 35 heures/semaine), plein de congés, salaire acceptable, sécurité de l’emploi,… et pourtant j’étais vraiment déprimé car il n’y avait absolument rien de motivant dans ce job, très peu de challenges ou de nouveautés.
    Depuis que je bosse en agence(s), je travaille en moyenne 5 à 10h de plus par semaine, j’ai moins de jours de congé et des timings bien plus serrés, il m’est arriver de bosser certains soirs ou week-ends (quand il faut, il faut, même si je suis pas payé plus, je sers le client au mieux…) mais je me sens beaucoup mieux malgré tout, et quoi qu’il en soit plus épanoui que quand je comptais les minutes pour ne surtout pas en faire une de plus !

    Cela dit j’ai sans-doute eu la chance de ne pas tomber sur des employeurs qui en profitaient, mais le cas échéant j’estime que dans notre secteur il y a suffisamment d’ouvertures que pour ne pas se sentir emprisonné dans un job.

  12. sebastien, le

    pas compris cette phrase :
    « En travaillant 130 heures par semaine, même à un salaire de 7000€ par mois, vous gagnez moins qu’en travaillant 35 heures par semaine pour 2000€ par mois. »
    qu’est-ce que tu entends par « vous gagnez moins » ?

  13. Bartdude, le

    sebastien> Il me semble évident qu’il compare le salaire horaire. Ce qui en soit n’est pas faux, mais on fait quand-même plus de choses avec 7000 euros qu’avec 2000, le calcul n’est donc peut-être pas utile; d’autant qu’en poussant le raisonnement, on pourrait considérer que n’importe quel montant d’allocation de chômage est dès lors plus intéressant : 0 heures de boulot et payé quand-même…

  14. Amine, le

    Travailler plus pour mourir plus vite…
    Même si la conclusion est quelque peu tirée par les cheveux, elle n’est pas dénuée de bon sens. En effet, le grand patronat invoque la « productivité » sud-asiatique pour mettre la pression sur les ouvriers (délocalisation qu’ils appellent ça…). Et si les classes sociales les plus basses en europe ne vivent pas comme en chine, j’ai peur que ce ne soit qu’une histoire de temps.

  15. Pierre, le

    J’abonde dans ton sens surtout pour des raisons de santé sur le long terme.

    Je suis un passionné donc le temps que je passe en cumulé pour le boulot, les projets perso, la veille, le networking est considérable. Et de temps en temps j’ai besoin de décompresser, de faire autre chose et de limiter le temps devant un écran.

    J’espère que les personnes qui bossent avec Marissa Meyer sont là par choix et son libres de changer de boulot. :)

    Pierre

  16. Thierry, le

    Marissa doit gagner un peu plus que 7000 €. Disons que si elle gagne 100 000 dol par mois, hors stock option. Elle peut faire ce genre de travail pendant une dizaine d’année. Ramasser son pactole et hop, c’est tout bon. Maintenant pour les ingénieurs qui tournent à 7000 € par mois à 130 heures pas semaine, c’est un peu ridicule au bout de 10 ans c’est la burn out et pas assez de tune pour prendre la retraite.